Louis-Charles Thouin a donné un contrat à l’organisme qu’il a lui-même fondé

La SPCA LBL s’est installée à Saint-Calixte en 2010, année où Louis-Charles Thouin lui a octroyé son premier contrat de gestion animalière.

Le propriétaire des Manchettes voudrait rajouter, que Le Journal de Montréal devrait regarder les nouveaux développements qui ouvre qui ferment après avoir coupé et vendu tout le bois qui se trouve sur les terrains de St-Calixte.

Alors qu’il était maire de Saint-Calixte, Louis-Charles Thouin a mis fin au contrat de sa municipalité avec une entreprise de gestion animalière pour confier personnellement ce mandat à un organisme qu’il avait lui-même cofondé et dont sa conjointe est ensuite devenue la directrice.

«Je comprends très bien que ça peut avoir l’air bizarre, je ne suis pas un vrai fou. La seule chose, c’est qu’il n’y avait aucune intention, rien de prémédité», s’est défendu M. Thouin dans une entrevue qu’il nous a récemment accordée.

L’ex-maire devenu député caquiste affirme avoir respecté les règles, mais il convient que si c’était à refaire, il prendrait plus de précautions pour éviter les apparences de conflit d’intérêts.

«J’étais un jeune maire avec zéro expérience», a-t-il plaidé.

Notre Bureau d’enquête a reconstitué le fil des événements.

1. Il fonde l’organisme  

Fin mars 2010, élu maire depuis à peine quelques mois, M. Thouin entame les démarches pour cofonder un organisme à but non lucratif (OBNL), la SPCA Lanaudière Basses-Laurentides (SPCA LBL), avec des citoyens de Saint-Calixte soucieux du bien-être des animaux.

2. Il met fin à un contrat de son concurrent  

Simultanément, à titre de maire, il a personnellement mis fin à l’entente entre Saint-Calixte et la compagnie Inspecteur Canin, qui desservait alors la municipalité en matière de gestion animalière.

Sa présidente Valérie Morin se rappelle avoir rencontré le maire dans son bureau de l’hôtel de ville, fin mars.

«M. Thouin m’a remis une lettre de non-renouvellement de mon contrat, car il me dit qu’il était sur le point d’ouvrir une entreprise de contrôle animal», a-t-elle affirmé à notre Bureau d’enquête.

Onze ans plus tard, M. Thouin n’a aucun souvenir d’avoir posé ce geste inusité. Il reconnaît toutefois sa signature sur la lettre remise à Mme Morin. 

De son côté, la femme d’affaires a porté plainte à l’Unité permanente anticorruption (UPAC) dans ce dossier l’automne dernier. Elle soupçonne M. Thouin d’avoir usé de son influence pour lui nuire. Son entreprise a perdu plusieurs contrats au cours des dernières années et est en difficultés financières. 

«Le marché me semble beaucoup plus fermé», a-t-elle dit.

Selon une source policière, plusieurs témoins ont déjà été rencontrés par les policiers, mais l’UPAC n’a pas encore déclenché d’enquête formelle.

3. D’autres villes intéressées

Avant même l’inscription officielle de la SPCA LBL au Registraire des entreprises, M. Thouin recevait déjà, à son nom et à l’hôtel de ville, des lettres de deux municipalités intéressées par les services de l’organisme.

M. Thouin nie avoir sollicité des contrats d’autres municipalités pour la SPCA LBL. Il affirme toutefois avoir «probablement» vérifié leur intérêt «pour ce genre de services».

«J’ai vraiment juste voulu prendre la température de l’eau», a-t-il dit.

Un courriel daté du 30 mars 2010 que nous avons obtenu de la municipalité de Saint-Calixte montre que le maire de Saint-Hippolyte, Bruno Laroche, et la mairesse de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson de l’époque, Linda Fortier, étaient au courant du projet de SPCA de M. Thouin.

Se rappelant que M. Thouin lui avait exposé le projet, Mme Fortier, maintenant directrice générale dans une autre municipalité des Laurentides, a exprimé son malaise.

«Il a utilisé sa fonction de maire pour solliciter d’autres municipalités», a-t-elle souligné en entrevue.

Quant à M. Laroche, il assure qu’il n’a pas rencontré M. Thouin à ce sujet.

Depuis 2011, ces deux municipalités font uniquement affaire avec la SPCA LBL.

4. Un premier contrat

Saint-Calixte sera la première municipalité à offrir un contrat à la SPCA LBL, en 2010. Le 5 juillet, en fin de soirée à 22h, M. Thouin préside une séance extraordinaire du conseil municipal où un seul point est à l’ordre du jour: l’octroi à la SPCA LBL d’un mandat d’une valeur de 120 000$ pour trois ans.

Une semaine avant cette décision, il avait même reçu une version préliminaire du contrat à son adresse courriel officielle de maire.

Il en avait aussi discuté lors d’une réunion du conseil d’administration de la SPCA LBL en mai 2010. Selon le procès-verbal ci-dessous, il cherchait alors une façon d’éviter un appel d’offres.

M. Thouin soutient aujourd’hui qu’il pouvait donner le contrat sans appel d’offres puisque la loi le permet dans le cas d’un OBNL.

Fort d’un avis juridique, il affirme aussi qu’il n’était pas en conflit d’intérêts puisqu’il n’avait pas d’intérêts financiers dans l’OBNL, dont il n’était plus président ni administrateur après avoir démissionné à la fin du mois de mai précédant l’octroi du contrat.

5. Sa femme devient directrice

Le 19 juillet 2010, deux semaines après que la SPCA LBL eut décroché un contrat avec la municipalité de Saint-Calixte, la conjointe du maire Thouin, Lucie Duquette, en devient la directrice rémunérée.

Cela se produit lors d’une réunion du conseil d’administration de cet OBNL, dont elle est devenue membre après la démission de M. Thouin.

Le 22 juillet, Louis-Charles Thouin participe à une réunion des administrateurs qui se tient chez lui, où le montant du salaire annuel de sa conjointe est établi.

«C’est fort probable, dit-il à ce sujet. Je ne pense pas qu’il y a rien d’illégal là-dedans.»

Malgré le statut d’employée de sa conjointe, M. Thouin maintient qu’il ne se trouvait pas en situation de conflit d’intérêts avec l’OBNL.

6. Une subvention

Des versions contradictoires s’opposent, onze ans plus tard, concernant une subvention de 80 000$ accordée à la SPCA LBL par la Municipalité régionale de comté (MRC) de Montcalm.

M. Thouin soutient s’être retiré de la réunion du conseil de la MRC à laquelle il assistait, le 18 mai 2010, à titre de maire de Saint-Calixte. Il affirme cependant que, n’ayant aucun lien financier avec l’OBNL, il aurait très bien pu rester lors du vote.

«Par excès de prudence, je me suis retiré», a-t-il dit.

Pourtant, le seul document officiel qu’a pu nous fournir la MRC est un procès-verbal indiquant, au contraire, qu’il resté avec ses collègues maires quand la résolution a été adoptée.

M. Thouin plaide qu’un document complémentaire, qu’il a fait produire six mois après la réunion, prouve qu’il s’est plutôt retiré.

En janvier dernier, il a d’ailleurs obtenu à ce sujet un affidavit du directeur général de la MRC à l’époque, Gaétan Hudon. Il a convaincu la MRC de l’ajouter au procès-verbal qui indiquait qu’il était présent lors du vote.

Contacté par notre Bureau d’enquête, M. Hudon n’a pourtant pas pu affirmer que M. Thouin s’est retiré.

«Je ne peux pas confirmer que j’étais sûr, a-t-il dit. Je ne me rappelle pas du tout.»

Huit des dix autres maires toujours vivants qui étaient présents à cette réunion ont été rejoints par notre Bureau d’enquête. Aucun ne peut soutenir les propos de M. Thouin.

7. Plainte en 2010

Notre Bureau d’enquête a réussi à mettre la main sur ce document complémentaire en contactant le ministère des Affaires municipales. Ce dernier l’avait obtenu de la MRC de Montcalm à la suite d’une plainte, en octobre 2010, pour conflit d’intérêts, en raison du rôle de M. Thouin dans le démarrage de la SPCA LBL à titre de maire et d’administrateur de l’OBNL.

D’anciens administrateurs de la SPCA alléguaient à l’époque qu’il avait contrevenu aux règles au moment de l’octroi de cette subvention.

Ils alléguaient aussi que l’octroi par M. Thouin du contrat de sa municipalité à la SPCA LBL constituait un conflit d’intérêts en raison du statut d’employée de sa conjointe.

En 2012, le commissaire aux plaintes Marc-André Thivierge avait toutefois rejeté la plainte.

Concernant la subvention, le rapport du commissaire soulignait qu’il n’y avait pas eu de conflit d’intérêts puisqu’il s’est retiré de la réunion, selon la note complémentaire de novembre 2010 dont la MRC ne trouve cependant plus la trace.

Quant au contrat de gestion animalière, le ministère a établi qu’il était «impossible de conclure avec certitude» que M. Thouin avait un intérêt, «selon les informations disponibles».

 

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