L’impact du confinement sur les enfants
Par Martine Veillette
Depuis le 13 mars, il est fortement recommandé à la population de demeurer à la maison. Les écoles et les garderies sont fermées. Quel impact ce confinement a sur les enfants?
Le Journal s’est entretenu avec Isabelle Cyr, psychoéducatrice et cofondatrice de la Clinique familiale et interdisciplinaire Lüna, à Chambly, afin de répondre à différentes questions.
Quel impact peut avoir le confinement chez les enfants ?
Une bonne partie des enfants prennent ça positivement. Ils sont heureux de la situation d’être à la maison. Des enfants sont malheureux parce que ce n’est pas un « vrai » congé. Ils ne peuvent pas faire d’activités à l’extérieur parce que tout est fermé. Ceux qui vont moins bien, sont ceux qui sont déjà anxieux. Certains voient aussi leurs parents anxieux.
Justement, est-ce que les parents peuvent contribuer à cet impact et comment ?
Absolument! Le parent doit maintenir le télétravail par obligation. Il devient plus irritable parce que c’est difficile de travailler comme il voudrait. L’enfant a l’impression que son parent ne s’occupe pas de lui. Ça peut mener à des frustrations et des conflits familiaux.
Il y a aussi le parent qui a de la difficulté à gérer son anxiété. Il devient moins souriant, plus renfermé et plus irritable. L’anxiété est palpable pour l’enfant. Ça se reflétera sur eux. L’enfant deviendra plus irritable, plus explosif et pourrait avoir des difficultés à dormir. On en a beaucoup des cas de problème du sommeil.
Le dernier cas qu’on voit, c’est plus rare, mais on en a, c’est l’enfant déjà très anxieux en lien avec les catastrophes. On leur disait qu’il n’y avait pas beaucoup de chance de vivre un drame du genre. Ceux-là, les psychologues les voient plus régulièrement et interviennent par téléphone et par vidéoconférence. Il y a des enfants, mais aussi des ados.
Est-ce qu’il peut avoir des répercussions à long terme ?
Avec la science, on connaît les facteurs de risque et les facteurs de protection. On l’a déjà vécu avec la crise du verglas. Les conséquences à long terme vont survenir dans les atmosphères plus traumatiques. Quand un parent qui doit être le capitaine du navire ne l’est plus. L’enfant doit savoir où on va et si le capitaine à l’air de ne pas savoir où aller et qu’il est inquiet, ça peut amener une dynamique insécurisante. Les séquelles ne seront pas parce que le parent est devenu mauvais, mais l’enfant va ressentir que le capitaine du bateau n’est pas constant pendant une longue période. Il y aura une dynamique d’anxiété relationnelle qui peut être difficile par la suite. L’enfant pourrait être plus opposant avec le parent plus tard et provoquer les limites parce qu’il a douté. L’enfant pourrait chercher à prendre le contrôle.
Dans certains cas, il pourrait avoir un choc post-traumatique par exposition. Une exposition excessive peut créer une détresse. Certaines personnes se retirent des réseaux sociaux pour ça.
Comment les parents peuvent aider les enfants à travers ça ?
On dit toujours que c’est le même principe que le masque à oxygène dans l’avion. Il faut se l’installer en premier pour être bien avant celui de l’enfant. Le parent doit d’abord lui-même gérer son stress.
On recommande aussi aux familles d’avoir une routine. Pas une routine militaire. Mais une routine pour avoir un climat prévisible. Le parent peut faire le même genre d’activités le matin et l’après-midi.
Évidemment, pratiquer des activités qui font du bien au corps. C’est reconnu en période de stress. Il faut aller dehors, bouger et avoir une bonne hygiène de sommeil. Si on perd la base de la pyramide de Maslow, rien ne peut être efficace.
Faire des activités plaisantes au lieu de se mettre la pression de faire l’école. Oui, il faut continuer d’apprendre dans un contexte ludique sans se mettre de la pression. Si on gaspille nos énergies dans des activités négatives, on va brûler la chandelle par les deux bouts.
Comment un parent peut expliquer simplement à son enfant la situation actuelle ?
Le parent qui l’explique doit être le moins inquiet. Il faut y aller avec des faits et dans un langage adapté. Il y a des vidéos et des bandes dessinées bien faits qui expliquent ce qui se passe. Pour les ados, il faut leur donner accès à des reportages qui l’expliquent et qui parlent des faits au Québec. Pas besoin de voir ce qui se fait en Italie ou en Europe, sinon ça crée un effet de panique.
Quels services la clinique proposent actuellement ? Comment vous êtes-vous adapté ?
Pour l’instant, on conserve les rencontres avec les familles qui ont besoin. On a un système de décontamination aux heures. On les reçoit une à la fois. On essaie aussi le plus possible de le faire par vidéoconférence pour garder les familles à la maison. On a un poids éthique de ne pas abandonner les familles en détresse.
On compte mettre des capsules sur notre page Facebook pour contribuer à aider les familles.
La clinique offre des services aux familles et enfants de 0 à 18 ans. On a aussi une psychologue pour adulte.