La COVID-19 me donne des frissons - Antoine Robitaille

Antoine Robitaille Antoine Robitaille Mardi, 31 mars 2020 00:00

NDLR : Notre chroniqueur Antoine Robitaille a appris hier qu’il est au nombre des Québécois atteints de la COVID-19. Il nous livre ici sa réflexion sur les deux dernières semaines qu’il a vécues.  

Parmi les 10 nouveaux cas de COVID-19 recensés dans la Capitale-Nationale, il y a moi. Ça fait drôle de se retrouver dans ce type de statistiques. Je me sens en « bonne compagnie » avec quelque 3500 Québécois, dont certains, gravement atteints, à qui je souhaite de passer à travers.  

C’est Karine, gentille et rigoureuse infirmière, qui m’en a informé hier matin au téléphone avant de me poser une série de questions.     

Je vous le racontais samedi : craignant être un «covidien», éprouvant certains des symptômes, j’ai demandé à passer un test. Je l’ai eu mercredi.       

J’ai donc dû attendre cinq jours.     

Rentré de France le 14 mars, je me suis tout de suite mis en isolement sur les recommandations expresses de mon amour de blonde – passionnée de santé publique qui me manque – dans une maison d’un membre de la famille, logis libre et gentiment prêté.     

On l’aperçoit le 13 mars dernier, lors de son séjour en France, où il aurait été contaminé.

Symptômes sur le tard  

Les huit premiers jours ? Aucun signe de maladie. Mon isolement se résumait au télétravail, à la lecture.     

Moments entrecoupés de séances de Zwift (vélo virtuel sur base d’entraînement), de courses (à distance des autres) et même ski de fond sur les Plaines (loin des autres). Une retraite travail, lecture et sport !     

Notre chroniqueur Antoine Robitaille, photographié hier à travers la fenêtre du logis où il est confiné depuis son retour au Québec.

Puis le 22, après une promenade dehors, premiers symptômes : frissons.     

Sur le coup, je mets la faute sur le -14 °C à l’extérieur ce matin-là. S’ajoutent des courbatures lancinantes, qui sévissent la nuit surtout, dans les jambes. Étrangement pas de fièvre.     

Lundi, un ami me demande si j’ai toujours de l’odorat. Dans les médias, on commençait à faire des liens entre la perte de ce sens et la COVID-19.      

Cette faculté étant chez moi aussi développée que la «péninsule» se trouvant au milieu de mon visage, je me précipitai sur mon eau de Cologne : zéro odeur !      

Même chose pour mes vêtements de sport d’ailleurs, une impossibilité absolue. L’inquiétude m’a donc saisi à partir de ce moment.     

«Un virus, ça mute...»  

Mais il n’y a rien de simple avec la COVID. Des six membres de l’équipe de tournage partie en France du 10 au 14 mars (pour une série documentaire qui sera diffusée sur Club illico), je suis le seul à avoir de «vrais» symptômes.     

Trois autres subissent le test quand même : tous négatifs. Dimanche soir, alors que je n’ai pas encore reçu mon résultat, je suis rassuré et me dis que j’ai peut-être contracté autre chose.     

Quand le verdict tombe hier matin, paradoxalement, ça fait deux jours que je n’ai pratiquement plus de symptômes.      

Je goûte les aliments, perçois de nouveau les odeurs avec bonheur (sauf mes vêtements de sport). Quelques frissons résiduels : jusqu’à maintenant, COVID-19 a été bien moins difficile à vivre que ma dernière grippe, en 2018, qui m’avait couché pendant cinq jours !     

Un ami médecin propose cette hypothèse : je semble avoir été atteint par ce que des chercheurs appellent la COVID-19 version «S».      

Selon des études préliminaires de ces universitaires chinois dont la BBC et le New Scientist ont fait état début mars, la «S» serait «évolutivement plus ancienne et moins agressive» que la «L».      

Au téléphone, j’en parle à Gaétan Barrette, ancien ministre de la Santé qui me fait parfois rigoler (c’est thérapeutique): «Ben ce ne serait pas surprenant, un virus, ça mute, c’est ça que ça fait dans la vie!»     

À droite, il porte un masque, le jour de son test de dépistage, la semaine dernière, à Québec.

Odorat et goût  

Suis-je «chanceux» d’avoir été infecté par une COVID-19 «S»?      

Au départ, ça amuse le membre de la FADOQ que je suis (51 ans) : la perte de goût et d’odorat s’observerait chez les «jeunes»!      

L’infirmière Karine me ramène rapidement sur terre : cette maladie connaît parfois plusieurs phases et après une accalmie, elle peut revenir plus forte.      

Sans compter qu’à la radio, j’entends un chercheur de Trois-Rivières, Johannes Frasnelli, expliquer que la perte de l’odorat et du goût indique que le virus «pourrait se rendre dans le cerveau et conduire à des atteintes cognitives».      

Rien de rassurant.     

Plusieurs m’encouragent. «Tu seras immunisé! Tu pourras aller en reportage en Italie!»      

En plus, je serais «utile»: ça prend, dans le «troupeau», des individus qui résistent ! Mais rien de simple ici non plus : si c’est bien la COVID-19 «S» que j’ai, immunise-t-elle entièrement contre la «L» ?     

Toute cette incertitude aussi me donne des frissons.

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