Joseph Facal Mardi, 4 février 2020 05:00, Dans L’aut’journal, Frédéric Lacroix a dévoilé une réalité qu’on ne crie pas trop sur les toits.
https://www.journaldemontreal.com/2020/02/04/reseau-collegial-detournement-de-mission
Délibérément ? Vous jugerez. C’est assez décoiffant merci.
45 % des étudiants du Cégep de Matane, donc près de la moitié de l’effectif total, sont des étudiants « internationaux ».
« Internationaux » ! 45 % ! À Matane !
Quoi ?
Lacroix trouve cela bizarre et se renseigne.
Le ministère lui confirme que c’est bien le cas, et même que cette clientèle internationale a augmenté de 60 % en quatre ans.
On devine les motivations de l’établissement.
Ces étudiants sont une planche de salut pour un cégep dans une région qui peine à retenir ses enfants et qui voit des programmes entiers menacés.
Certes, ce sont des étudiants réunionnais, donc francophones, mais on peut se demander si on n’étire pas un peu beaucoup l’élastique quand on pense qu’un cégep a une mission de développement régional... dans sa région.
Mettons que ça se discute. Mais il y a mieux.
Lacroix découvre ensuite qu’au Cégep de la Gaspésie et des Îles, il y avait, en 2018-2019, 1583 étudiants internationaux.
C’est plus de 10 %, souligne-t-il, de la population totale de la ville de Gaspé ! Et c’est une augmentation de 3066 % en quatre ans.
Oui, monsieur. Désolé, mais c’est plus qu’une petite anguille sous la roche.
Éberlué par cette donnée – 1583 étudiants étrangers au cégep de Gaspé ! –, convaincu qu’il doit y avoir une erreur, Lacroix demande au gouvernement des explications.
D’abord, il n’y a pas d’erreur. Ensuite, devinez l’explication...
Êtes-vous bien assis ? C’est que le Cégep de Gaspé a ouvert un campus exclusivement anglophone... à Montréal.
Euh, oui.
Je prends la peine de répéter : ce cégep a ouvert un campus exclusivement anglophone à Montréal en 2015.
Dans sa page web uniquement en anglais, poursuit Lacroix, le Cégep de Gaspé vend l’idée qu’étudier à Montréal, en anglais seulement, aidera ces étudiants à s’établir au Canada.
Pas un mot sur le Québec.
On y souligne les « Programs in high demand areas of Business, Technology, and Health Care that empower you to settle in Canada ».
Dans les offres d’emploi, il est précisé que les clientèles sont principalement chinoise et indienne.
Du point de vue de l’établissement, « ça marche » : les inscriptions sont passées de 277 à 1583 en un an.
On nous explique que c’est un partenariat privé-public, sans argent gouvernemental, dont les bénéfices sont réinvestis en Gaspésie.
On comprend que des cégeps en difficulté dans les régions éloignées aient recours à toutes sortes de stratagèmes, mais qu’en est-il de l’impact de ces combines sur l’avenir du français à Montréal ?
Pour le dire clairement, un cégep régional, en Gaspésie, créé pour servir les besoins de la Gaspésie, « réinvente » sa mission et, pour perpétuer son existence, devient un vecteur d’anglicisation d’allophones, dont plusieurs s’établiront à Montréal.
Ne se sent-il pas une responsabilité à l’endroit de notre langue, déjà menacée à Montréal ?
Est-il à l’aise avec ce qui ressemble à un subterfuge, même s’il est légal ?
On donnera des cours de français... l’an prochain, promet-on. Bien hâte de voir comment ces étudiants indiens et chinois réagiront.
Le gouvernement, lui, censé œuvrer à la francisation des étrangers qui arrivent au Québec, autorise cela, et je suis sûr qu’il souhaite qu’on ne braque pas trop les projecteurs là-dessus.
Transparence ?
Tout cela se serait poursuivi discrètement, sous notre barbe, si un homme seul n’avait pas levé le petit doigt.
Détournement de mission ? Stratégies désespérées de survie ? Et l’avenir du français ?
Au minimum, cela mérite un débat. Un vrai de vrai.