Mathieu Bock-Côté Mercredi, 26 août 2020 05:00 - Madame,
https://www.journaldemontreal.com/2020/08/26/lettre-ouverte-a-penelope-mcquade
Lundi, vous commenciez votre saison radio en consacrant les trente premières minutes de votre émission au livre White Fragility, de Robin DiAngelo, consacré à la «fragilité blanche», dont vous pensez le plus grand bien, au point de l’avoir présenté sur Twitter comme une «bible».
Cet ouvrage affirme que les sociétés occidentales sont fondées sur le racisme et que tous les Blancs, consciemment ou non, y participent, en plus d’avoir développé un mécanisme de défense pour empêcher qu’on puisse leur en parler.
Débat
De par le simple fait qu’ils soient blancs, les Blancs seraient racistes.
Ce livre suscite la controverse tellement sa thèse est tranchée (elle est selon moi loufoque, manichéenne et sans rigueur).
Mais vous n’avez pas cru bon d’intégrer un peu de diversité intellectuelle à votre émission, qui était stupéfiante d’unanimité.
À votre micro, trois invités y souscrivaient. Le militant Fabrice Vil et les journalistes Nathalie Collard et Noémie Mercier, cette dernière ayant par ailleurs l’honnêteté de reconnaître ne pas avoir lu le livre.
La thèse du livre semblait incontestable. Chacun y souscrivait ostentatoirement.
Je crois comprendre que pour vous, la société québécoise est fondée sur le racisme. Vous n’avez d’ailleurs pas hésité à clore la discussion en disant qu’«on serait vraiment l’exception si le Québec n’était pas une société qui a aussi été érigée sur le racisme et dont les vestiges sont encore bien présents».
Mais cette thèse ne saurait être présentée comme une évidence absolue. Les concepts de «privilège blanc», de «fragilité blanche» et de «racisme systémique» ne vont pas de soi.
Je me rappelle aussi qu’en novembre 2017, vous déclariez au Devoir : «Il y a beaucoup d’œuvres que j’ai mises en valeur sans exercer assez mon regard critique. Je ferais aujourd’hui plus confiance au fait qu’on peut les remettre en question. Aussi, j’affirmerais de façon plus franche que je ne veux pas recevoir certaines personnes dont je ne partage pas les valeurs, humaines ou créatives. C’est sûr que c’est dur de dire “Non, moi je ne reçois pas tel invité”, et de répéter les raisons du pourquoi à chaque palier décisionnel. Maintenant, je prendrais la responsabilité de me faire dire ce “Coudonc, t’es ben difficile !” qui vient souvent quand on s’affiche comme féministe».
Mais voyez-vous, Madame McQuade, la radio publique n’est pas votre propriété personnelle et s’il est normal que votre personnalité et vos préférences teintent votre émission, il ne le serait pas d’en bannir certaines idées parce que vous ne les aimez pas.
Diversité
Lorsque vous abordez la question du racisme comme d’autres questions, vous devriez avoir le souci de diversifier vos invités, non pas en les triant selon la couleur de leur peau, mais en fonction de leurs idées.
Vous avez le privilège d’être animatrice d’une émission majeure à Radio-Canada. Le public est en droit d’espérer que vous n’en fassiez pas un lieu d’endoctrinement et de militantisme.
Il y a plus d’une manière d’aborder les problèmes de société. Un minimum de pluralisme intellectuel ne devrait pas vous effrayer.