Mathieu Bock-Côté Samedi, 14 mars 2020 05:00 - Il y a une semaine encore, il était bien vu de blaguer sur le coronavirus.
Mieux valait afficher un air détaché, relativiser la crise, et ridiculiser le quidam se ruant au marché pour stocker chez lui des denrées non périssables.
https://www.journaldemontreal.com/2020/03/14/un-11-septembre-sanitaire
Aujourd’hui, plus personne ne s’amuse, et les blagueurs se taisent, angoissés comme tout le monde, comme si dans la nuit de mercredi à jeudi, l’imaginaire collectif avait basculé.
Angoisse
On se serrait la main, c’était une marque élémentaire de politesse. On ne se la serre plus, et celui qui la tend passe au mieux pour un égaré, au pire pour un inquiétant insouciant.
Les codes de la vie quotidienne se brouillent et les autorités nous font comprendre que cela pourrait durer un temps : pas que quelques jours, mais au moins quelques semaines, et peut-être bien quelques mois.
C’est un 11 septembre sanitaire, qui pourrait bien marquer l’entrée dans une nouvelle époque. La démondialisation pourrait bien passer brusquement de la théorie à la réalité. Tout un champ lexical que l’on disait passé de mode redevient pertinent : pénurie, provisions, rationnement, confinement, quarantaine, fermeture des frontières.
Ces mots évoquent un univers mental qui n’est plus le nôtre depuis plusieurs décennies. D’un coup, ils surgissent et s’imposent à nous sur le registre de l’évidence.
La vie semble suspendue. Un profond besoin de protection se fait sentir. Le commun des mortels exige la plus grande résolution des autorités dans les circonstances actuelles.
Protection
On aurait tort de l’accuser de paniquer. C’est pour cela que l’État existe. En temps normal, on lui demande de laisser la vie se dérouler en l’encadrant minimalement, sans trop faire sentir sa présence, en fournissant les services nécessaires à la vie courante.
En temps de crise, il a la responsabilité fondamentale d’assurer notre survie. Voilà pourquoi on ne lui pardonne aucune forme de laxisme en ce moment.