Richard Martineau Lundi, 8 février 2021 05:00 : Ainsi, deux CIUSSS montréalais ont déboursé près d’un demi-million de dollars pour des firmes externes en communication durant la pandémie.
https://www.journaldemontreal.com/2021/02/08/un-demi-million-pour-communiquer
Les urgences débordent, les intensivistes ont les mains pleines et le système est sur le point de rupture, mais pendant ce temps, ces deux CIUSSS, eux, « communiquent ».
Ben coudonc.
À chacun ses priorités.
PARLER POUR NE RIEN DIRE
Il y a des expressions, comme ça, qui me donnent de l’urticaire.
« Créer le buzz ». « Gestionnaire de projet ». « Leadership créatif ». « Indicateur de performance ». « Synergie ».
Et la pire de toutes : « communication stratégique ».
En fait, tout le vocabulaire technocratique des années 80.
Ces mots sont au langage ce que les épaulettes, les bretelles jaunes et les cheveux gominés sont à l’histoire de la mode.
Depuis 40 ans, pas un politicien ou un cadre supérieur qui ne soient accompagnés d’un « expert en communication stratégique ».
On les voit, sur les photos – jeunes, bien sapés, paraissant toujours très occupés, les yeux rivés sur leur iPhone et portant des lunettes « funky » fabriquées en Suède ou au Danemark.
Imagineriez-vous de Gaulle et Churchill constamment accompagnés par un « expert en communication stratégique » ?
« Monsieur Churchill, vous n’auriez pas dû promettre du sang, de la sueur et des larmes à vos électeurs, ce n’est pas une stratégie de communication optimale capable de générer un buzz sur l’audimat... »
On dirait que plus les politiciens parlent pour ne rien dire, plus ils ont besoin d’experts en communication.
C’est même, dirait-on, l’unique rôle de ces consultants : s’assurer que leurs clients disent le minimum de choses dans un maximum de mots.
LE PIPOTRON
Sur internet, on trouve un générateur automatique de phrases savantes.
Le pipotron.
Vous cliquez sur un bouton, et ça crée des phrases creuses qui ne veulent rien dire.
Je l’ai essayé.
Ça a donné ça : « Dans le but de pallier à la sinistrose de l’époque actuelle, il serait bon de remodeler la somme des alternatives possibles même si nous devons en tirer les conséquences. »
Cool, non ?
On dirait que ça dit quelque chose, mais ça ne dit rien.
Ça fait des bulles, c’est tout. Comme une bouteille de boisson gazeuse que tu agites avant de la décapsuler.
Pour revenir au début de ma chronique, je ne sais pas ce que les deux CIUSS montréalais en question ont « communiqué », pendant la pandémie, mais je suis sûr que ça ressemblait à ça.
Des mots avec beaucoup de syllabes qui, accrochés les uns aux autres comme les wagons d’un train, ne disaient pas grand-chose.
DES HÉROS
Tous les jours, à la télé, on voit des travailleurs de la santé sur le bord du burn-out qui nous racontent ce qu’ils vivent.
Oui, ces individus sont des héros qui travaillent d’arrache-pied pour contenir la pandémie. Oui, ils vont au front.
Mais ils ne sont pas seuls.
En haut de l’organigramme du système de la santé, des cadres supérieurs tout aussi vaillants ne comptent ni les heures ni les millions pour nous protéger.
Toute la journée, accompagnés d’experts qui fixent leur portable à travers de magnifiques lunettes importées de Scandinavie, ces as de la gestion « communiquent ».
Nous sommes entre bonnes mains, les amis.