Comme en Russie soviétique - Richard Martineau

Richard Martineau Jeudi, 11 juin 2020 05:00 - Ainsi, le Conseil des Arts du Canada a refusé d’accorder une subvention au Théâtre du Rideau Vert, dirigé de main de maître (maîtresse ?) par Denise Filiatrault...

https://www.journaldemontreal.com/2020/06/11/comme-en-russie-sovietique

Parce que le théâtre est mal géré ?

Non, il est très bien géré, même le directeur du Conseil des Arts du Canada­­­, Simon Brault, le reconnaît.

Parce qu’il ne présente pas des productions de qualité ?

Non, il présente des productions d’excellente qualité, même le directeur du Conseil des Arts du Canada, Simon Brault, le reconnaît.

Alors quoi ? C’est quoi, le problème ?

Il semblerait que les pièces que le Rideau Vert présente depuis des années à un public friand « ne reflètent pas suffisamment les préoccupations sociales ».

ÊTRE OU NE PAS ÊTRE

On est rendu là. 

Si tu veux recevoir une subvention d’un organisme public (subvention qui est essentielle à ton fonctionnement, à ta survie – et à la survie des artisans que tu engages année après année), ce n’est pas suffisant de présenter des pièces de qualité comme le fait le Rideau Vert depuis des décennies.

Il faut que tes pièces parlent des sujets « à la mode ».

Le racisme. Les transgenres. L’écologie. L’altermondialisme. Le féminisme. La théorie du genre.

Les baleines à bosse pognées dans le Saint-Laurent.

Bref, faut que ta pièce ressemble au corpus d’un cours de l’UQAM. 

Shakespeare ? Bah !

Molière ? Quel intérêt !

Tchekhov ? Un vieux schnock obsédé par le désœuvrement de la bourgeoisie russe !

Tu veux monter un classique – Hamlet, par exemple ? Eh bien, t’es mieux de transposer la pièce du grand Will dans une ruelle glauque et de transformer ton personnage principal en sans-abri autochtone toxicomane.  

Là, tu vas correspondre aux critères des organismes subventionnaires !

Là, tes pièces vont soudainement être « socialement » pertinentes !

« Être ou ne pas être non binaire ? Telle est la question ! »

ÉDUQUONS LES MASSES

On se croirait de retour dans la Russie soviétique. 

Quand l’art ne servait pas à explorer la condition humaine (la vie, l’amour, la mort), mais à « éduquer » les masses. 

Pour recevoir une subvention de l’État, tu devais écrire une pièce fustigeant le méchant capitalisme et chantant les vertus de la Révolution.

Sinon, crève.

L’art, maintenant, n’a plus de valeur en soi. Pour qu’une pièce, un tableau, une œuvre musicale ou un film trouve grâce aux yeux des décideurs, l’œuvre en question doit être arrimée à une cause « noble ».

Ce n’est plus suffisant de créer des formes nouvelles, inédites, esthétiquement révolutionnaires comme Picasso, Proust, Bergman ou Stravinsky.

Il faut véhiculer de « bonnes idées ». 

Je m’excuse, mais cette façon d’envisager l’art n’est pas seulement stupide.

Elle est inquiétante. 

Le pire est que la plupart des décideurs de ces organismes-là, j’en suis sûr, trouvent ces nouveaux critères de sélection débiles.

Mais ils les appliquent.

Car ils ont peur de la réaction des lobbies.

Je ne les juge pas. Il suffit maintenant de 12 militants crinqués pour foutre le bordel devant un théâtre, un cinéma ou une salle de rédaction.

C’est comme ça qu’un climat de censure s’installe.

Les décideurs ont tellement peur qu’ils s’autocensurent. 

Comme l’écrivait George Orwell, l’auteur prophétique de 1984 : « Ce qu’il y a de plus inquiétant dans la censure, c’est qu’elle est volontaire. Plus besoin d’une interdiction officielle. »

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