Sophie Durocher Vendredi, 18 septembre 2020 05:00 - « Le diffuseur public semble avoir perdu le sens de sa mission. »
https://www.journaldemontreal.com/2020/09/18/radio-canada-se-croit-tout-permis
« Pour résumer, ils compétitionnent avec des entrepreneurs privés qui sont dans le même domaine, mais eux utilisent l’argent des contribuables. »
« En quoi est-ce approprié que le diffuseur public entre en compétition directe avec des compagnies privées ? CBC a perdu sa boussole. »
« C’est quoi la prochaine affaire, ils vont vendre des souliers ? »
Voilà quelques-unes des réactions lues sur les médias sociaux, hier, quand on a appris que CBC et Radio-Canada se lançaient dans le contenu de marque avec leur plateforme Tandem.
C’est quoi Tandem ? Sur les plateformes de notre diffuseur public, vous allez trouver des balados, des textes, des reportages faits sur mesure pour des compagnies par Radio-Canada.
Comme des publireportages audio, vidéo et écrits.
Mais pourquoi cette société d’État, qui reçoit des millions à partir de nos impôts, va-t-elle jouer dans les plates-bandes du privé ?
Ce n’est vraiment pas un combat à armes égales.
DU FRONT TOUT LE TOUR DE LA TÊTE
Voici ce qu’on peut lire sur le site de Tandem : « Il allie les meilleurs atouts de votre marque à l’expertise, la crédibilité et la qualité des productions numériques, audio et télé de CBC/Radio-Canada pour créer avec vous des contenus de marque multiplateformes intelligents et significatifs. [...]
« Les gens d’ici comptent sur CBC/Radio-Canada pour vivre des expériences qui les informent, les éclairent et les divertissent.
« En choisissant Tandem, vous arrimez votre message à cette confiance et cet engagement qu’ont les Canadiens envers notre marque. »
Hmmm. Le problème, c’est que la crédibilité de Radio-Canada s’est justement bâtie parce qu’elle était indépendante des intérêts financiers des entreprises.
Aujourd’hui, Radio-Canada monnaye sa crédibilité, payée à même l’argent des contribuables. Je vous rappelle, si vous l’aviez oublié, que CBC-Radio-Canada reçoit un financement de plus d’un milliard de dollars par année, en plus des 675 millions sur cinq ans gracieusement fournis par Justin Trudeau.
Comme me l’a dit une amie qui travaille dans le merveilleux monde des médias : « Bientôt, ils vont lancer une boutique de vêtements pour concurrencer Simons avec l’argent du public ».
CULTURE D’ENTREPRISE
Cette semaine, aux Francs-Tireurs, le comédien, animateur et metteur en scène Yves Desgagnés comparait l’absence de grand plateau culturel sur les ondes du diffuseur public à un « génocide culturel ».
Or, que trouve-t-on sur le site de Tandem ? Le paragraphe suivant : « Nous prenons notre rôle dans le paysage culturel très au sérieux. C’est pourquoi nous sommes si engagés à produire des contenus qui sont à la hauteur des attentes de nos auditoires. Lorsque vous collaborez avec nous, vous pouvez être certains que ce que nous concevons ensemble créera de la valeur, tant pour votre marque que pour nos auditoires. »
C’est à ça que se résume maintenant le rôle « culturel » de notre société d’État ? On ne présente plus de magazine culturel, on ne présente plus de magazine littéraire, mais on vend sa crédibilité au plus offrant ?
Et on fait compétition à des entreprises privées qui en arrachent déjà avec la crise des médias et la crise de la COVID ?