Des aînés en quarantaine pour un problème de punaises

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Par Chloé-Anne Touma | Initiative de journalisme local : Le 8 octobre 2021 — Modifié à 14 h 29 min le 9 octobre 2021
Des aînés en quarantaine pour un problème de punaises

La résidence Rivière Richelieu serait aux prises avec un problème récurrent de punaises. (Photo : archives)

L’état d’une résidente atteinte d’Alzheimer se serait dégradé en raison de l’isolement imposé par sa résidence pour aînés à Richelieu, pour cause de punaises de lit.

La résidence Rivière Richelieu imposerait une quarantaine à ses résidents en raison d’un problème récurrent de punaises de lit.

Un aidant naturel et proche d’une résidente a communiqué avec le journal pour « dénoncer » la situation, tout en demandant que son nom ne soit pas divulgué. « Présentement, elle n’y est pas, car elle vient d’être hospitalisée; on nous a dit qu’elle avait fait une chute. »

Selon le témoin, que l’on appellera Joseph, « C’est l’omerta. On n’en parle pas. Ce n’est pas la première fois qu’il y a des problèmes de punaises de lit. C’est la troisième fois dans la même unité en un an. Déjà, les gens y ont passé presque deux ans en isolement, et là, on les met en quarantaine sans possibilité de visite de leurs proches. »

« Ces gens ont besoin d’activités pour être stimulés mais sont encore enfermés dans leurs chambres. » – Joseph

Contactée, la travailleuse sociale désignée par le témoin comme ayant été attitrée au dossier de plainte, Cynthia Mailloux, sans démentir la quarantaine, a préféré orienter le journal vers le CISSS de la Montérégie Centre plutôt que de confirmer le constat du problème ou la prise en charge du dossier.

« Nous avons effectivement été informés de la présence de punaises de lits à la RPA Rivière Richelieu. Il est de la responsabilité de l’exploitant de faire appel à un exterminateur et de suivre les indications qui lui sont fournies. Nous pouvons confirmer que la ressource a pris la situation en charge. Nous suivons la situation de près et nous pourrions intervenir auprès de la ressource si cela s’avérait nécessaire. En ce qui concerne la quarantaine, nous n’avons pas l’information », a répondu le CISSS avant de diriger le journal vers l’exploitant. Les appels et les messages laissés dans la boîte vocale de la directrice de l’établissement Rivière Richelieu, Marjorie Ouimet, sont demeurés sans réponse.

Les conséquences de l’isolement

« Ces gens ont besoin d’activités pour être stimulés mais sont encore enfermés dans leurs chambres. Et les loyers sont chers », déplore le témoin. Il estime que l’état de la résidente s’est dégradé en raison du manque de stimulation.

Selon la Société Alzheimer du Haut-Richelieu, « La stimulation cognitive fait partie des thérapies non médicamenteuses visant à limiter la progression de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée ».

Ailleurs dans la région, une habitante d’Otterburn Park, qui occupait un poste de préposée dans une résidence dont elle a souhaité taire le nom, témoignait le 30 septembre dernier quant à ce qui l’avait poussée à démissionner après quatre mois. « Les résidents souffrant d’Alzheimer et de démence sont souvent ignorés, car plusieurs estiment qu’ils ne se souviendront de rien de toute façon. Ils passent des jours exclus des activités, assis sur une chaise dans le salon, alors qu’ils ont besoin d’être stimulés. Et ils paient souvent jusqu’à 4000 $. »

Un réseau de santé fragile

Pour certains, ce genre de témoignages rappelle la liste d’événements tragiques survenus depuis le début de la pandémie, révélant les lacunes d’un réseau de santé fragilisé.

Lorsqu’on consulte les rapports émis par l’Association médicale canadienne, on constate que le Québec fait partie des trois provinces ayant le plus grand nombre d’effectifs dans le réseau de la santé, proportionnellement à sa population (ratio de 242 pour 100 000 en 2015). Mais si le réseau de la santé du Québec demeure plus fragile, c’est que sa population est vieillissante, générant un besoin de soins supplémentaires.

Un appel à plus d’infirmières et moins de fonctionnaires

Yves-François Blanchet s’exprime sur les soins de longue durée et les transferts en santé. (Photo : Chloé-Anne Touma)

Rencontré par le journal lors de sa campagne électorale alors qu’il était de passage au Garde-Manger de François à Chambly, le député de Beloil-Chambly et chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a commenté l’état du système de santé et les propositions du gouvernement libéral. « On a une population beaucoup plus âgée. Ce qui m’horripile, c’est de dire que le Québec a des difficultés à gérer certains moments de la pandémie, donc, le fédéral doit s’en mêler. C’est quoi ce raisonnement-là? Si le fédéral rentre dans une juridiction dont il ne connaît rien en partant, il devrait faire mieux que le Québec? Ce qui est d’Ottawa serait mieux que ce qui est de Québec? Il n’y a absolument aucun fondement à cette affirmation, qui est derrière le raisonnement des libéraux et du NPD. Québec a déjà les outils et les compétences, le système, la machine de gestion. On ne veut pas plus de fonctionnaires, on veut plus d’infirmières. »

Le secteur privé, la mauvaise cible?

Questionné quant à sa position relativement au projet électoral du NPD de « déprivatiser  » les soins de longue durée, M. Blanchet répond qu’ « Il est difficile d’arriver tardivement et de présumer que les institutions privée sont malveillantes, et qu’on va les fermer. On entend ce même raisonnement pour la fabrication de médicaments, selon que toutes les compagnies qui s’y consacrent devraient être publiques. Pourtant, l’entreprise Medicago, qui est considérée comme étant l’un des grands précurseurs en création de vaccins, à l’échelle internationale, est privée. »

Dans son Mémoire soumis au Protecteur du citoyen, la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées rappelle qu’en cas de « maltraitance ayant cours à domicile, en résidence privée pour aînés, en résidence intermédiaire ou de type familial, les professionnels sont fortement invités à signaler les situations de maltraitance potentielles ou avérées aux Commissaires aux plaintes et à la qualité des services ou à la police, sans y être contraints. Dans de tels cas, les professionnels doivent toutefois s’assurer d’agir dans le respect du code de déontologie et du secret professionnel auquel ils sont tenus. (…) Qui plus est, la loi protège toute personne ayant fait un signalement de bonne foi en stipulant que ces dernières ne peuvent faire l’objet de mesures de représailles ni être poursuivies en justice (L-6.3, C 10, a.10, 11 et 12.) »

La Chaire fait aussi état de lacunes de gestion qui ont eu des effets néfastes, tant sur les CHSLD du réseau public que privé, en mars 2020 : « il est indéniable que les démarches préventives du mois de mars furent mises en œuvre au détriment de la préparation des CHSLD publics et privés et qu’elles eurent un effet délétère sur la qualité des soins et des services offerts dans nombre de ces installations durant la pandémie. »

Plus de transferts de la part du fédéral

À l’instar du gouvernement du Québec et des autres provinces canadiennes, la Coalition pour la dignité des aînés (CDA) insiste pour que plus de sommes dédiées aux soins de santé soient transférées aux provinces. Rappelons que la CDA a récemment rendu public un document proposant 38 solutions visant à améliorer la qualité de vie des aînés. Parmi celles-ci, on dégage la hausse du Supplément de revenu garanti, une baisse à 65 ans du seuil d’admissibilité aux prestations de la Sécurité de la vieillesse et la création d’une nouvelle allocation pour les aînés qui n’ont pas un revenu suffisant à la retraite. De plus, la Coalition propose de bonifier le crédit d’impôt pour les frais médicaux et de diminuer le seuil d’admissibilité de 3 % à 1,5 % des revenus pour les 65 ans et plus.

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