Une enseignante redoute l’héritage de la COVID-19

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Par Jean-Christophe Noël : Le 5 octobre 2020 — Modifié à 14 h 23 min le 8 décembre 2020
Le clivage a pris de l’ampleur, au cours des derniers mois, entre les élèves du système scolaire.

Parlant sous le couvert de l’anonymat, une enseignante du Centre de services scolaire des Hautes-Rivières évoque des craintes quant à la situation créée par la COVID-19 et ce que cette dernière risque encore d’amplifier si elle dure trop longtemps.

Bien que les hautes instances scolaires parlent, somme toute, d’une belle rentrée scolaire, c’est un portrait plus global que souhaite tisser l’enseignante.

« Je ne dirais pas que ça va mal, mais il ne faut pas sous-estimer le personnel déjà en état de fatigue. Certaines sont arrivées déjà brûlées. Sur le terrain, je sens une lourdeur », lance-t-elle d’entrée de jeu.

Entre des écoles qui ont rouvert au mois de mai, d’autres qui n’ont rouvert qu’en septembre, des parents qui ont su suivre à distance le programme et des parents en télétravail qui, ensevelis de communications ont perdu le fil, les enseignantes ont accueilli un groupe d’élèves plus disparate que jamais en cette rentrée scolaire historique.

« La COVID a accentué les écarts qui existaient déjà dans le système. Les clivages sont rendus grands. Les enfants vulnérables, pour la plupart, n’ont pas eu de soutien. Ils ont actuellement un retard phénoménal. Le désarroi est palpable de la part de profs qui se demandent par quel bout prendre le problème », exprime l’enseignante d’une école du Bassin de Chambly, qui souligne que les orthopédagogues sont sollicités à outrance.

Virage informatique

La COVID-19 devance l’évolution normale et incite le réseau à basculer vers le numérique, un virage qui n’est pas naturel pour tous.

« Nous avons eu des formations à n’en plus finir. C’est beau, les formations, mais nous avons rarement le temps nécessaire pour nous approprier les outils qui demandent de la pratique. Celles qui n’avaient jamais eu de formations numériques doivent tout apprendre d’un coup. Ça crée de l’anxiété. Des profs ont peur de retomber en confinement et de devoir enseigner seuls à distance. Il y en a, des professeurs qui ne sont pas à l’aise avec l’informatique; c’est désespérant, c’est paniquant. Les écarts sont à tous les échelons et on s’éloigne de l’équilibre », mentionne l’enseignante en soulevant la possibilité que ça pourrait pousser certains de ses collègues, œuvrant dans un réseau déjà démuni, à prendre précocement leur retraite.

Fermeture des écoles

Des enseignantes croient fermement que le gouvernement ne pourra pas fermer les établissements scolaires une seconde fois. Pour les autres, l’enseignement à distance se prépare plus activement.

« Ça fait trois semaines que je planifie l’éventualité d’enseigner à distance. Je vise du matériel de manipulation que les parents ont à la maison. Je me dis que ce qui cause le stress, c’est l’inconnu. Si l’on est capable de le contrôler en partie, on s’aide. Je prépare donc le terrain », entrevoit la professeure.

Aspect positif

Le verbe ‘’s’adapter’’ en est un qui s’utilise à toutes les sauces, en cette ère de COVID-19. Le secteur de l’enseignement n’en fait pas exception.

« Je trouve que le réseau est axé sur la performance. Le programme est chargé et dense, et l’on demande aux enfants d’aborder des concepts alors qu’ils sont de plus en plus jeunes. J’aimerais que l’on profite de l’occasion pour voir s’il est possible d’enseigner un peu moins, de moins pousser la machine et de laisser aller l’enfant à son rythme. Je pense que l’on ne respecte pas toujours la maturité neurologique des enfants. On se demande ensuite pourquoi les enfants sont stressés. C’est bien de s’adapter, mais peut-être que l’humain a une limite d’adaptation. Il est peut-être temps d’y réfléchir », suggère l’enseignante.

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