Soins à domicile: avons-nous le mauvais modèle? - Antoine Robitaille

Antoine Robitaille Antoine Robitaille Mardi, 1 juin 2021 05:00

Il y aura plus d’argent pour les soins à domicile, apprenait-on hier. Faut-il s’en réjouir ?

En tout cas, la somme annoncée hier par le gouvernement Legault est impressionnante : 750 millions $ sur 5 ans.

C’est un peu inévitable : sur la planète, la société québécoise est parmi celles qui vieillissent le plus rapidement. (Ce montant comprend aussi des sommes pour les malades jeunes.)

Il faut faire quelque chose pour respecter le premier choix des vieux, c’est-à-dire pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible.

Ça tombe bien

L’annonce tombait à point nommé. Le débat sur les conditions de vie des aînés a été relancé par l’actuelle pandémie et les ravages qu’elle a faits.

Un documentaire intitulé La dernière maison, de la chroniqueuse culturelle et animatrice Annie-Soleil Proteau, sera présenté le 6 juin à TVA.

En prévision de cette diffusion, Mme Proteau a fait une sortie remarquée à Tout le monde en parle récemment, déplorant le peu d’accent mis par Québec sur les soins à domicile, par rapport à l’hébergement.

Dans d’autres contrées aux prises avec un vieillissement accéléré, comme le Danemark, la proportion des budgets consacrée au maintien à domicile (73 %) est beaucoup plus grande que celle allant à l’hébergement (27 %), a-t-elle argué. Au Québec, la proportion serait inverse, ce que la ministre Marguerite Blais n’a pas contredit lorsque je lui ai soumis la donnée, récemment, lors d’une entrevue à Qub.

Crédit d’impôt

Les soins à domicile sont depuis longtemps le parent pauvre de notre système. Les gouvernements québécois ont souvent développé les soins à domicile par le truchement de crédits d’impôt. D’ailleurs, dans l’annonce du gouvernement Legault d’hier, on trouvait encore plusieurs majorations de crédits d’impôt remboursables, notamment « pour les personnes aidantes » et « pour maintien à domicile des aînés ».

En entrevue à Qub, Marguerite Blais déclarait que « jamais un gouvernement n’a mis autant d’argent pour les soins aux aînés. »

Dépenser mieux ?

Peut-être, mais le dépense-t-on bien ? Les crédits d’impôt sont-ils adéquats ?

Le gériatre et ancien ministre Réjean Hébert ne le croit pas. « Les crédits d’impôt, c’est pas une mesure de solidarité sociale, c’est une mesure pour stimuler l’économie », pestait-il dans une entrevue qu’il m’accordait en 2018.

Parmi les personnes âgées qui réclament le crédit d’impôt pour maintien à domicile, quelque 80 % vivent en résidences privées pour aînés (RPA), a-t-il déjà souligné. Or, ces résidences aident « leurs » aînés à réclamer ce crédit d’impôt ; lesquelles, par la suite, tiennent compte de ce montant dans le coût du loyer. Comme si l’État subventionnait indirectement les RPA ! Une meilleure formule serait, selon M. Hébert, de créer une « assurance autonomie » permettant aux personnes âgées de choisir leurs soins et de faire leur réclamation en fonction de l’endroit où elles habitent. Il avait déposé en 2013 un projet de loi qui prévoyait la création de cette assurance. Cela aurait représenté un réel virage en ces matières au Québec. Peut-être serait-il temps de reconsidérer cette option ? Couplée aux possibilités technologiques contemporaines, pour des préposés, de suivre la santé de leur patient chez eux (scénario évoqué par le professeur de l’Université Laval Philippe Voyer à LCN hier), sans doute pourrait-on développer un modèle moins coûteux et plus efficace que les traditionnels crédits d’impôt.

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