Antoine Robitaille Jeudi, 20 mai 2021 05:00
Christian Dubé a relancé et nourri mardi un débat sur l’état d’urgence sanitaire que le gouvernement aurait voulu éviter.
L’ancien président du Conseil du trésor et maintenant ministre de la Santé a déclaré qu’il souhaitait maintenir cet état d’exception, où Québec peut gouverner par décrets, jusqu’à la signature d’une entente avec les syndicats d’employés de l’État.
Les réponses ont été cinglantes. Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire s’est dit « estomaqué » par ces déclarations, jugeant « irresponsable et dangereux d’instrumentaliser l’état d’urgence sanitaire pour mettre la pression sur les syndicats dans un contexte de négociation ».
Les réactions des autres partis d’opposition et des syndicats furent à l’avenant. Hier matin, le ministre a cru bon de s’amender, rectifier le tir : « Vraisemblablement, je me suis mal exprimé. L’urgence sanitaire n’a aucun lien avec la négo. » Il poursuivait pourtant en soulignant que cette situation exceptionnelle avait permis des mesures temporaires liées à des conditions de travail.
Des primes au personnel ; l’embauche de vaccinateurs ; l’instauration rapide de la télémédecine. Puis, il ajouta : « Dès que la pandémie sera derrière nous, l’urgence sanitaire ne sera plus nécessaire. »
Anglade
À la mi-avril, la cheffe libérale, Dominique Anglade, avait échoué à faire décoller un débat sur l’état d’urgence sanitaire.
Elle soulignait que la Loi sur la santé publique, certes, permettait au gouvernement seul de renouveler aux 10 jours l’état d’urgence. « L’esprit de la loi », martela-t-elle, lui imposait cependant de demander à l’Assemblée nationale son assentiment. S’il le faisait aux 30 jours plutôt qu’aux 10, il n’aurait d’ailleurs pas eu le choix légalement. Anglade en faisait une affaire de « transparence ».
Geneviève Guilbault et François Legault l’avaient mise en boîte plutôt facilement. En l’accusant d’une part de ne pas reconnaître l’urgence. On conviendra qu’en pleine troisième vague, personne n’osait contester ce fait. Du reste, le premier ministre souligna l’indigence des réponses de la cheffe de l’opposition.
À la question : que changerait-elle au décret de l’état d’urgence si elle était consultée, Mme Anglade avait évoqué un contrat de gravier sans appel d’offres à la Société des établissements de plein air du Québec (Sépaq).
« On vit une des pires crises de l’histoire du Québec, [et] la cheffe de l’opposition officielle nous parle de la gravelle à la Sépaq », s’était amusé, un brin sadique, le premier ministre.
Illustration
Mais mardi et hier, en faisant un lien entre contrats de travail et mesures ayant un effet sur les conditions des employés, Christian Dubé s’est trouvé à illustrer à merveille ce que l’état d’urgence confère au gouvernement comme pouvoir exorbitant. Comme de limiter les semaines de vacances des infirmières ; ou d’affecter des salariés de l’État à des tâches étrangères à leur domaine.
Ce régime prendra fin lorsque « la pandémie sera derrière nous », certes. Mais quand pourrons-nous identifier ce moment ? « Quels critères objectifs seront utilisés ? » s’interrogeait hier Nadeau-Dubois avec pertinence.
Quand un nombre significatif de Québécois auront eu deux doses de vaccin ? Quand une masse de pays de la planète se proclameront dans cette situation ? Quand l’Organisation mondiale de la santé déclarera la pandémie terminée ?
Nos élus, en débat d’urgence ou autre, devraient préciser cet aspect « déconfinement de la démocratie » rapidement.