Guillaume St-Pierre Samedi, 12 octobre 2019 05:00
TORONTO | Le NPD et le Parti conservateur ont attendu après le dernier débat des chefs pour présenter aux Canadiens leur cadre financier. À la lecture des documents, on comprend mieux pourquoi.
Le chef conservateur est le seul à promettre l’équilibre budgétaire dans un avenir prévisible. Dans cinq ans, pour être précis.
Pour y arriver, Andrew Scheer prévoit sur cette période des dizaines de milliards en nouveaux revenus... et en compressions. Ce mot devenu tabou que plus personne ne semble vouloir entendre, et que les libéraux ont transformé en arme politique contre les conservateurs.
D’abord, les revenus.
M. Scheer compte entre autres aller chercher 2,5 G$ dans les poches des géants du web. Pas question, toutefois, de les soumettre aux mêmes règles du jeu que leurs concurrents canadiens, en exigeant qu’ils perçoivent les taxes de vente.
La lutte aux paradis fiscaux pourrait, elle, rapporter 11 G$ sur 5 ans, selon le plan conservateur.
Les libéraux ont eux aussi promis de telles mesures afin de se dégager une marge de manœuvre.
Mais rappelons que le Directeur parlementaire du budget, un haut fonctionnaire indépendant, estime qu’il est difficile de calculer l’efficacité de ces mesures.
Que feront les partis si elles s’avèrent moins payantes que prévu ?
Coupes
Le retour à l’équilibre budgétaire ne se fera pas sans compressions.
Andrew Scheer prévoit couper dans les investissements en infrastructures à hauteur de 18 G$ sur cinq ans.
À cela s’ajoutent 14 G$ en réduction des dépenses de fonctionnement...
Une catégorie plutôt vague rapidement qualifiée de « coupes cachées » par les libéraux.
En point de presse, M. Scheer a soutenu que ces milliards seront économisés en réduisant le recours aux consultants et le nombre de bureaux vides.
Les libéraux ont passé les derniers mois à mettre les électeurs en garde contre l’arrivée au pouvoir à Ottawa d’un gouvernement conservateur adepte d’austérité, comme ses cousins provinciaux Ford et Kenney.
Andrew Scheer promet de conserver intacts les services aux citoyens et de maintenir les transferts en santé et en éducation aux provinces.
Il aura tout de même fort à faire pour rassurer les électeurs, particulièrement ceux de l’Ontario, échaudés par Doug Ford.
Le cadre financier de M. Scheer risque de donner des munitions à ses adversaires dont l’équilibre budgétaire n’est pas dans les plans.
À un peu plus d’une semaine du scrutin, les conservateurs n’ont plus beaucoup de temps pour faire la pédagogie d’un retour à l’équilibre tel qu’ils le préconisent.
NPD
Le NPD a lui aussi choisi de dévoiler son cadre financier après les débats, et de surcroît, à l’aube d’un long week-end.
Le parti de Jagmeet Singh a passé les dernières semaines à faire rêver les électeurs avec des promesses alléchantes, comme une assurance maladie couvrant les frais de dentiste.
La troupe néo-démocrate ne perdrait pas de temps. Dès la première année d’un gouvernement Singh, on prévoit 35 G$ en nouvelles dépenses et 31 G$ en nouvelles sources de revenus.
Gros programme.
Pour financer ses promesses, M. Singh irait allègrement piger dans les poches des plus riches et des entreprises.
On estime pouvoir aller chercher 8 G$ en haussant le taux d’imposition sur les gains en capital, 6 G$ en augmentant l’impôt des sociétés, 6 G$ en luttant contre les paradis fiscaux et 5,5 G$ en taxant les grandes fortunes.
On peut être d’accord sur le principe, mais taxer les riches est rarement aussi payant qu’anticipé. Les puissants de ce monde profitent d’excellents conseils des meilleurs comptables et avocats.
Depuis sa défaite cinglante aux mains de Justin Trudeau en 2015, le NPD de Jagmeet Singh s’est offert un solide coup de barre à gauche.
La plateforme qu’il a présentée hier le condamne à faire rêver.