Mathieu Bock-Côté Vendredi, 4 septembre 2020 05:00 - Le procès de l’attentat contre Charlie Hebdo vient enfin de commencer, cinq ans après les événements.
C’est l’occasion, en France, mais aussi ailleurs, de faire un bilan de cette demi-décennie.
https://www.journaldemontreal.com/2020/09/04/la-generation-woke-nest-pas-charlie
On s’en souvient, après l’attentat, un slogan s’est imposé partout dans le monde occidental : «Je suis Charlie»! Il ne s’agissait pas de dire que Charlie avait toujours raison, mais que le droit de critiquer et de se moquer est fondamental en démocratie. Jamais le dogme des uns ne doit devenir l’interdit des autres.
Aucune conviction ne devrait être à l’abri de la critique et de la caricature, même si cette dernière est féroce.
Censure
Tout cela semble éloigné aujourd’hui! Sommes-nous encore Charlie? La réponse est non.
Partout, la liberté d’expression régresse. Les islamistes ont réussi à imposer le règne de la peur. Qui critique l’islam ou caricature ses dogmes risque sa peau. Il faut dire que toute une gauche collabo leur donne raison et assimile la critique de la religion musulmane à un discours haineux qu’elle nomme islamophobie. De même, qui se demandera dans quelle mesure l’islam parvient vraiment à s’intégrer à la civilisation occidentale sera suspecté de racisme.
Mais étrangement, la principale menace à la liberté d’expression n’est peut-être plus celle-là. Car la censure n’a pas toujours besoin d’un AK-47 pour s’imposer.
On le voit, depuis quelques années, les campus universitaires sont frappés par une forme d’hystérie idéologique. On y théorise la nécessaire censure des discours «vexants», «discriminatoires» et «haineux». Il n’est même plus permis de rire du concept débile d’«appropriation culturelle», comme vient de le découvrir un restaurateur montréalais.
C’est la culture woke, qui se présente comme une hypersensibilité aux droits des minorités, mais qui, dans les faits, assimile à la haine toute remise en question de l’immigration, de la sainte diversité ou de la théorie du genre. Et les interdits se multiplient. Maintenant, qui conteste la théorie du racisme systémique peut se faire expulser de la vie publique. On peut même perdre son emploi pour avoir mentionné le titre d’un livre.
Qui se fait accuser de racisme ou de transphobie, aussi injuste l’accusation soit-elle, risque d’en payer le prix très cher socialement et professionnellement. Il sera banni et traité en pestiféré. Les excités des réseaux sociaux voudront ruiner sa réputation.
Alors pour éviter toute tentative de diffamation, on développe un réflexe d’autocensure. Pire : certains en viennent à dire le contraire de ce qu’ils pensent. Cela pousse à perdre le contact avec le réel.
Soljenitsyne, dans son célèbre discours de Harvard en 1978, se désolait du déclin du courage en Occident. Son propos résonne aujourd’hui.
Courage
Devant la moindre agression des wokes sur les médias sociaux, ils sont nombreux à se coucher. Peut-être est-ce parce qu’ils manquent de convictions? Qui a des opinions molles plutôt que des idées fortes risque de se liquéfier au moindre choc.
L’esprit Charlie doit être réanimé. Il faut savoir défier les indignés professionnels qui prétendent nous dire ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.