Mathieu Bock-Côté Jeudi, 30 juillet 2020 05:00 - On l’apprenait dans la Gazette récemment, un mouvement se dessine chez certains jeunes anglo-québécois
pour donner un drapeau qui permettrait à leur communauté de se distinguer.
https://www.journaldemontreal.com/2020/07/30/un-drapeau-pour-les-anglos
J’étais perplexe.
D’abord, les anglophones, qui ne cessent de rappeler avec raison qu’ils sont Québécois à part entière, ne sont-ils pas capables de s’identifier au drapeau du Québec ?
Québec
Ensuite, de manière un peu cynique, je me suis dit que les anglophones qui ne se reconnaissent pas dans le fleurdelisé ont un autre drapeau en réserve, qu’ils n’ont jamais hésité à brandir : je parle évidemment de l’unifolié, le drapeau canadien.
Comment comprendre dès lors ce désir de se donner un drapeau ? Voyons-y un geste d’opportunisme idéologique. Aujourd’hui, c’est en se présentant comme une minorité victime qu’on acquiert un privilège symbolique dans le débat public.
Ainsi, on trouve de plus en plus de gens qui sont au sommet de l’échelle sociale, mais qui se disent « discriminés » parce qu’issus de la « diversité ». Ils sont admirés, prospères, mais revendiquent néanmoins le statut de victime comme si la société québécoise les persécutait, à coup de microagressions systémiques et autres lubies pseudo-sociologiques à la mode.
Parlons franchement : c’est une illusion de croire qu’il y a une minorité anglophone au Québec : dans les faits, il s’agit de représentants de la majorité anglo-canadienne au Québec. Et quand les nouveaux arrivants s’anglicisent, quelle que soit la couleur de leur peau, ils la rejoignent directement.
Il en est de même quand ils préfèrent mettre l’accent sur leurs origines ethniques ou se dire Montréalais d’abord plutôt que Québécois, comme si la métropole devait se séparer symboliquement d’un Québec francophone jugé insuffisamment ouvert.
Les Québécois, quoi qu’on en dise, tendent la main à ceux qui s’installent chez eux. Mais encore faut-il saisir cette main.
On a plus de chance aujourd’hui de se hisser socialement au Québec en l’accusant de racisme systémique qu’en embrassant son identité et sa mémoire.
La revendication d’un drapeau anglo-québécois doit être comprise pour ce qu’elle est : une manière de rejeter le drapeau du Québec, comme si les symboles issus de son histoire étaient discriminatoires envers ceux qui ne sont pas « de souche ».
Elle s’inscrit dans une contestation plus large de tous les symboles de la nation québécoise. Il faudrait désormais réécrire notre histoire pour la rendre plus « inclusive », quitte à nous en exclure nous-mêmes.
Rejet
Ne croyons pas que ce rejet du peuple québécois dans son propre pays est la conséquence de son manque d’ouverture. Nous payons là le prix de nos échecs référendaires. Un peuple qui échoue son indépendance sera inévitablement méprisé et en viendra même à se mépriser lui-même.
Tôt ou tard, on nous expliquera que la loi 101 est discriminatoire et raciste.
Je me souviens d’ailleurs de m’être fait traiter de raciste dans un commerce, après avoir insisté pour qu’on me serve en français.
Pour l’instant, une telle histoire semble exceptionnelle. Un jour, elle sera banale. Et il sera trop tard.