Mathieu Bock-Côté Mercredi, 22 janvier 2020 05:00 - Longtemps, le peuple québécois savait intimement que sa situation était fragile en Amérique.
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Il s’était d’ailleurs donné comme projet collectif la survivance. Il s’agissait alors de sauvegarder la langue française et le catholicisme. Nous avons mené pour cela de nombreux combats politiques pour obtenir, puis préserver nos droits constitutionnels.
Notre plus grande réussite, après la défaite des Patriotes, en 1837-1838, et l’acte d’Union qui s’est ensuivi, fut d’arracher, en 1867, la création de la province de Québec : ceux qu’on appelait alors les Canadiens français redevenaient ainsi majoritaires sur un territoire et retrouvaient une forme de souveraineté partielle. C’était peu, mais ce n’était pas rien. Le pouvoir politique, pour un peuple, est vital.
Tout cela aujourd’hui passe pour de l’histoire ancienne. Pourquoi alors y revenir ? Parce que, contrairement à ce que laissent croire les apparences, le peuple québécois est encore fragile. Mais nous ne le savons plus. Certes, la Révolution tranquille a permis d’immenses progrès. Et aujourd’hui, dans le cadre d’une économie mondialisée, nous témoignons d’une remarquable créativité.
Histoire
Mais quelque chose a changé.
Qu’on me permette une image : physiquement, nous nous sommes renforcés, mais mentalement, nous nous sommes affaiblis. Nous vivons dans l’illusion de la sécurité identitaire.
Comment ne pas s’inquiéter de notre indolence devant l’anglicisation de Montréal ou de notre manque d’intérêt pour notre régression démographique dans un Canada qui nous traite plus que jamais comme une minorité ethnique insignifiante et fait preuve d’une vraie agressivité à notre égard ? L’exaspération manifestée devant l’exigence faite au prochain chef du Parti conservateur de parler français en témoigne.
Faut-il aussi parler des réactions devant la loi 21 ? Pourquoi est-ce à la Cour suprême de décider si elle autorise cette loi que nous jugeons essentielle ?
Nous doutons désormais de notre droit d’exister comme peuple. Soyons plus précis : une partie de nos élites s’est retournée contre nous. Au nom de la mondialisation, nos élites économiques plaident pour des seuils d’immigration démentiels. À Montréal, la majorité francophone devient minoritaire. Mais il est interdit de le dire.
Au nom du multiculturalisme et de la « diversité », nos élites intellectuelles à la Gérard Bouchard mènent une campagne de culpabilisation permanente contre les Québécois francophones, accusés d’ignorance, au mieux, et de racisme, au pire.
Illusion
Les plus jeunes comprennent le message. S’ils veulent monter dans l’échelle sociale, ils doivent intérioriser cette vision négative des Québécois. Ils doivent afficher leur antinationalisme. Ils appellent cela « l’ouverture ». Il faut dire qu’ils auront été bien formatés à l’école, et pas seulement par le cours ECR.
À l’heure de la crise climatique, on explique même que le nationalisme est un égoïsme. Il n’y a pourtant rien de contradictoire entre aimer son pays et aimer la planète.
Mais les Québécois se réveillent progressivement. Malgré leurs élites, malgré les ravages de l’américanisation, on sent qu’ils veulent renaître. Ils doivent toutefois prendre conscience que les présentes années sont décisives et faire preuve de lucidité collective. En se rappelant qu’un peuple maître chez lui est un peuple indépendant.