Mathieu Bock-Côté Samedi, 14 décembre 2019 05:0 - Dans une conversation avec le gouverneur de la Californie, François Legault a lancé que les Canadiens français étaient tous catholiques.
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Le choix des mots n’était pas anodin. François Legault n’a pas parlé des Québécois, au sens moderne du terme. Il évoquait plutôt le rôle du catholicisme dans notre histoire et le fait que cette religion fut longtemps au cœur de notre identité. Notre langue et notre religion furent longtemps indissociables.
Mais cette déclaration toute simple a fait scandale chez ceux qui veulent à tout prix présenter François Legault sous les traits de Maurice Duplessis, et qui réduisent notre passé à une grande noirceur.
Histoire
Examinons cette controverse calmement.
Le Québec d’aujourd’hui est-il encore catholique ? Si on pose la question du point de vue de la foi, ce n’est assurément pas le cas. Les Québécois, depuis cinquante ans, ont abandonné l’Église. Plus encore, ils l’ont rejetée. La déchristianisation du Québec est indéniable. Les églises sont vides, les rituels traditionnels sont désertés, et rien ne laisse croire, à court ou à moyen terme, à une nouvelle irrigation de la culture québécoise par la foi chrétienne.
Mais aussi étrange que cela puisse paraître, une religion ne se résume pas à la foi. C’est aussi une matrice identitaire, le noyau d’une culture, et souvent même, d’une civilisation. Elle structure notre univers mental, qu’on en soit conscient ou non. En d’autres mots, nous sommes tous catholiques, même quand nous croyons ne pas l’être.
De manière confuse, les Québécois le savent. À tout le moins, ils le ressentent. Et ils ne souhaitent pas nécessairement liquider cet héritage. Ils ne voient pas de contradiction entre leur aspiration à la laïcité et leur attachement à leur patrimoine historique.
Le catholicisme, au Québec, n’est pas qu’une religion parmi d’autres. Il a un statut fondateur. Il est intimement lié aux origines de notre peuple, et on ne saurait effacer son empreinte sans mutiler nos tissus identitaires les plus intimes. Qui se déracine s’appauvrit spirituellement.
Comme j’aime le dire, si toutes les convictions religieuses sont égales en droit, toutes les traditions religieuses n’ont pas le même statut devant la culture et l’identité. De ce point de vue, il est normal que les Québécois, qu’ils soient croyants ou incroyants et quelle que soit leur origine, se reconnaissent dans un héritage qui leur est commun.
Catholiques pratiquants, protestants, agnostiques, bouddhistes, musulmans, athées, tous, au Québec, ont vocation à s’inscrire dans cet univers de sens, au moins indirectement.
Patrimoine
Notre catholicisme a façonné nos paysages et forgé notre mentalité. Il n’est pas sans lien avec le sens de la solidarité et du collectif qui distingue les Québécois sur le continent nord-américain. De ce point de vue, on devrait moins le maudire que se demander de quelle manière il nous travaille encore, et pas seulement pour le pire.
Surtout, on ne devrait pas faire un procès à nos leaders politiques lorsqu’ils se contentent de rappeler une évidence historique.