Mathieu Bock-Côté Jeudi, 26 mars 2020 05:00 - On le sait, l’Italie est particulièrement touchée par la COVID-19.
https://www.journaldemontreal.com/2020/03/26/le-martyre-des-pretres-italiens
Pour tout dire, c’est un carnage. La faucheuse frappe sauvagement, et massivement. Les morts s’accumulent par milliers et on est en droit de craindre que la tendance se maintienne encore pendant un temps même si, selon les autorités, la contagion semble ralentir.
Au moment d’écrire ces lignes, ils étaient 6800 à avoir trépassé. Je devine qu’au moment de leur publication, ils seront encore plus nombreux.
Religion
C’est dans ce contexte que nous avons appris, ces derniers jours, sur le site de l’hebdomadaire français La vie, le sacrifice des prêtres des environs de Bergame, une ville du nord du pays.
Dans un contexte de sauve-qui-peut généralisé, ils ont décidé de rester auprès de leurs ouailles, pour ne pas les abandonner à leur détresse devant la mort. Il y a là un sacrifice héroïque, absolument émouvant, qui mérite notre profond respect.
Ces prêtres poussent leur foi jusqu’à son paroxysme.
La chose peut sembler étonnante, pour ne pas dire révoltante, dans un monde qui ne veut plus voir dans la religion qu’une vaste supercherie. Pourtant, l’incroyance massive est assez neuve à l’échelle de l’histoire. Certains y verront la conséquence inévitable du progrès de l’esprit scientifique. C’est un point de vue plus compréhensible. Il n’est toutefois pas définitif.
Car l’homme contemporain, qui se réfugie dans les superstitions les plus loufoques, croit-il le ciel aussi vide qu’il le prétend ? Il est moins athée qu’adepte de croyances compensatoires.
Chaque jour, au cœur de cette crise, nous apprenons qu’une personne en phase terminale a dû mourir seule, sans personne pour lui chuchoter quelques ultimes paroles d’amour et de réconfort. On imagine sa détresse. On pourrait paraphraser la Genèse en disant qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul dans ses derniers moments.
On ne devrait jamais fermer ses yeux pour de bon sans tenir une main aimante et sans faire une dernière prière, pour peu qu’on porte en soi ne serait-ce que la possibilité de la foi.
On peut croire, en fait, on peut être certain que c’est ce que se disaient ces prêtres, qui ont décidé de pousser leur engagement jusqu’au martyre, comme s’ils voulaient accompagner les victimes jusqu’aux cieux.
Il faut, pour cela, avoir une foi incandescente, celle qui porte vers un engagement total au service d’autrui – au service de Dieu, nous diraient ceux qui sont animés par elle et qui consentent à l’ultime sacrifice.
Sacrifice
Tout le monde sait que l’Église s’est rendue coupable d’atrocités impardonnables. Pour plusieurs de nos contemporains, le prêtre est presque automatiquement un abuseur. Il ne viendrait à l’esprit de personne de relativiser ces crimes abjects.
Mais dans cette crise aux allures apocalyptiques, on doit se rappeler qu’ils sont des milliers à soutenir leurs fidèles, pour répondre aux besoins de leur âme. Notre matérialisme trouve là ses limites. Reste à chacun à savoir s’il parie sur leur dépassement.