Mathieu Bock-Côté Jeudi, 29 avril 2021 05:00 - C’est le rituel printanier de l’année 2021 : se présenter dans un centre gouvernemental, relever sa manche devant l’infirmier ou l’infirmière,
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tendre le bras, serrer les dents, puis sourire à travers son masque pendant qu’on se fait vacciner, avant de publier la photo sur ses réseaux sociaux.
Ceux qui ne craignent pas de répéter une blague faite un million de fois ajouteront même qu’ils ont désormais la 5G dans le corps. Peut-être s’en voudraient-ils de ne pas la faire aussi ?
J’essaie de comprendre, sans trop m’en moquer, ce grand élan photographique.
Politiciens
Il allait de soi que les leaders politiques allaient participer à cette mise en scène, pour témoigner de leur confiance à l’endroit d’un vaccin faisant peur à plusieurs.
On le comprend. Pour vaincre les peurs, ils nous montrent que nous avons globalement très peu à craindre, même si la société sans risque n’existe pas, et même si chaque cas malheureux, médiatiquement amplifié, peut fragiliser l’adhésion populaire au vaccin.
Il y a aussi un effet mimétique. Chacun se sent obligé de faire comme son voisin.
S’agit-il de montrer qu’on participe à l’effort commun ? Probablement. À chaque dose injectée, nous voulons croire que nous faisons un pas de plus vers la libération, probablement pas cette année, mais peut-être l’an prochain.
La seringue devient la baïonnette de ce nouveau siècle, pour prendre d’assaut le virus, casser les vagues de l’épidémie, et devenir à son échelle un héros de la guerre sanitaire.
On y verra aussi une manifestation de plus de la révolution dans nos esprits, entraînée par les médias sociaux. Vivre, aujour-d’hui, c’est vivre exposé. Plus exactement, c’est vivre en s’exposant. Il s’agit toujours de se projeter publiquement.
J’en suis venu à croire que pour certains, un plat délicieux le sera un peu moins s’il n’est pas photographié. Je ne dis pas cela pour juger, mais simplement pour m’en étonner. D’ailleurs, nous finissons tous par participer à ce cirque.
Mais voyons-y autre chose : une société a besoin de rituels.
Après quatorze mois chaotiques, où chacun a été confiné chez lui, et où les relations sociales ont été proscrites, cette mise en scène photographique collective se présente globalement comme un point de passage : il y a un avant et un après la vaccination.
La vaccination massive devient le symbole d’un espoir collectif, et même une promesse : lorsqu’elle arrivera à son terme, il sera possible de restaurer l’essentiel de la vie d’avant. Je dis bien l’essentiel, car certaines mesures resteront.
Libération
Une crise de cette ampleur laisse des traces, des cicatrices.
Il n’en demeure pas moins que dans une épreuve historique de cette ampleur, il faut trouver un symbole synonyme de libération. Il faut une grande offensive, pour vaincre l’ennemi, et retrouver en nos pays le droit de vivre et de voir ses amis.
Derrière ce rituel photographique lié à la vaccination, c’est la promesse d’un soulagement global que nous nous faisons.