Mathieu Bock-Côté Mercredi, 30 septembre 2020 05:00 - Nous voilà à nouveau confinés. Il fallait donner un grand coup et le gouvernement l’a donné.
https://www.journaldemontreal.com/2020/09/30/la-societe-antisociale
Mais quand on frappe fort, il y a toujours le risque de frapper trop fort.
C’est ce qui vient de se passer avec les restaurants et les salles de spectacles. Les premiers comme les secondes s’étaient adaptés au contexte sanitaire. Ils avaient fait preuve de beaucoup d’inventivité pour traverser la crise et n’étaient déjà pas certains de survivre.
Pourtant, le gouvernement a décidé de les fermer. Parce qu’ils se transformaient systématiquement en foyers d’éclosion ? Pas vraiment, reconnaissent les autorités.
Restaurants
Leur justification rend plutôt mal à l’aise : si on comprend bien, il s’agit tout simplement de proscrire les contacts sociaux jugés non essentiels.
En d’autres termes, même si les restaurants ne sont pas particulièrement à risque, le gouvernement a voulu faire un exemple en les fermant, quitte à prendre le risque de les tuer.
Je confesse un certain malaise devant la notion de contacts sociaux non essentiels.
Il ne s’agit pas ici de plaider pour le droit aux partys et autres rassemblements irresponsables en période de crise. Non plus que de porter quelque crédit que ce soit aux conspirationnistes qui empoisonnent la vie publique avec leurs théories abracadabrantesques.
Mais on ne devrait pas sous-estimer le caractère vital des relations sociales. Elles ne s’ajoutent pas à l’essentiel. Elles sont, à certains égards, l’essentiel de la vie, à moins de réduire cette dernière à un pur principe de conservation biologique.
Il fallait les limiter, les réduire, les encadrer davantage ? Soit. Mais les proscrire ? Dans la présente épreuve, qui n’est pas aussi risible que certains le croient, il importait de conserver quelques soupapes. Il importait de conserver quelques lieux de décompression. Cette prudence élémentaire n’a pas été respectée. Appelons ça l’austérité sociale. Elle pourrait se transformer en fabrique à névrosés.
La situation des personnes seules me semble particulièrement critique.
Ce n’est pas tout le monde qui est en couple ou qui a une famille.
Pour certains, c’est un choix. Appelons-les les solitaires par vocation. Ils ont des amis, une vie intime, mais préfèrent rentrer le soir dans un appartement sans bruit.
Pour d’autres, c’est un immense malheur. Ils ont la solitude des abandonnés. Ils voudraient bien une famille, un compagnon ou une compagne, mais ils n’ont pas ou n’ont plus cette chance.
Célibataires
Une chose est certaine toutefois : que nos solitaires le soient volontairement ou malgré eux, ils ont besoin, à l’extérieur de la maison, de relations vivantes. Ce n’est pas une coquetterie. Je crains les effets psychologiques durables de cette étrange société antisociale que la pandémie est en train de façonner à coup de décisions peut-être plus brutales qu’efficaces.
Une société qui pousse à l’isolement généralisé, même au nom de la santé publique, se retourne contre elle-même et ceux qui la composent.
À travers tout cela, un sentiment d’injustice apparaît. Fallait-il punir sévèrement les imbéciles et les délinquants qui ne respectent pas les règles ? Oui. Mais fallait-il enfermer tout le monde à cause des imbéciles ?