Richard Martineau Samedi, 26 septembre 2020 05:00 : Vous avez déjà lu Alice au pays des merveilles, de Lewis Carroll ?
https://www.journaldemontreal.com/2020/09/26/le-trou-du-lapin
Au tout début, la jeune Alice poursuit un drôle de lapin qu’elle a vu passer devant elle.
« Entraînée par la curiosité, elle s’élança sur ses traces à travers le champ, et arriva tout juste à temps pour le voir disparaître dans un large trou au pied d’une haie.
« Un instant après, Alice était à la poursuite du lapin dans le terrier, sans songer comment elle en sortirait.
« Pendant un bout de chemin, le trou allait tout droit comme un tunnel, puis tout à coup il plongeait perpendiculairement d’une façon si brusque qu’Alice se sentit tomber comme dans un puits d’une grande profondeur... »
COMMENT ON DEVIENT UN CONSPIRATIONNISTE
Eh bien, c’est ce qui arrive avec certaines personnes.
À la différence qu’au lieu de poursuivre un lapin qui possède une montre à gousset, ils suivent une idée fixe.
Jusqu’à ce qu’ils tombent dans un trou tête première, comme Alice.
Et qu’ils ne puissent plus en sortir...
C’est arrivé à un de mes amis.
Au début de la pandémie, il se posait des questions parfaitement légitimes sur la gestion de la crise par le gouvernement.
Pourquoi on est passé de « Surtout, ne portez pas de masque » à « Vous devez porter un masque, sinon on va vous donner une amende » ?
Pourquoi on met autant l’accent sur le nombre de cas, alors que c’est le nombre d’hospitalisations et de décès qui est important ?
Pourquoi on a confiné tout le monde alors que la crise se déroulait surtout dans les CHSLD ?
Bref, des questions sensées, que beaucoup de gens se posaient.
Mais petit à petit, son scepticisme s’est transformé en idée fixe, en obsession.
Il s’est mis à passer de plus en plus d’heures sur les médias sociaux.
Il a commencé à communiquer avec des coucous qui lui envoyaient des vidéos paranoïaques.
Il ne pensait qu’à ça, ne lisait que sur ça, ne parlait qu’à des gens qui ne s’intéressaient qu’à ça.
Jusqu’à ce qu’il perde pied et qu’il tombe dans « le trou du lapin ».
Aujourd’hui, ce gars qui est pourtant intelligent et avec qui j’avais plaisir à discuter croit à des théories complètement farfelues.
Que l’homme avec un trou dans la gorge qui apparaît dans la pub du gouvernement sur les dangers de la COVID n’est pas vraiment malade.
Que le gouvernement exagère sciemment la dangerosité du virus pour nous contrôler.
Qu’il n’y a aucune différence entre le masque sanitaire et la burqa, etc.
Il ne parle pas encore de la 5G et de Bill Gates, mais j’ai l’impression que ça s’en vient.
COMME LE BON VIN
J’avoue que je suis désemparé.
J’imagine que c’est comme ça qu’on se sent quand on voit un proche tomber dans les griffes d’une secte.
On essaie de lui faire entendre raison, mais ça ne sert à rien.
Il a vu la Lumière. Il connaît la Vérité. On a beau lui répéter que les idées auxquelles il adhère ne tiennent pas debout, plus on tente de le ramener à la surface, plus il s’enfonce.
Morale de l’histoire : toute idée (même noble) poussée à son point extrême devient dangereuse.
Le scepticisme est comme le vin.
La modération a bien meilleur goût.