De la vraie science-fiction - Richard Martineau

Richard Martineau Mardi, 20 octobre 2020 05:00 : Quand j’étais jeune, j’adorais les films de science-fiction.

https://www.journaldemontreal.com/2020/10/20/de-la-vraie-science-fiction

Soleil vert, avec Charlton Heston, Rollerball, avec James Caan ou L’âge de cristal, avec Michael York. 

Des films qui dressaient un portrait glauque et déprimant de l’avenir. 

LA SECTE DE LA LUMIÈRE BLEUE

Eh bien, parfois, quand je regarde le monde dans lequel on vit, je me sens dans un film de science-fiction des années 1970. 

Vous ne trouvez pas ?

Bien sûr, il y a la COVID.

Les gens masqués. Les distributeurs de désinfectant à l’entrée de chaque commerce. Les restos, les cinémas et les théâtres fermés. 

Les centres-ville désertés. 

Sans oublier les policiers qui patrouillent dans les parcs pour vérifier si les gens se tiennent à deux mètres les uns des autres. 

Mais au-delà de ça, même si on oublie la pandémie...

Les passants qui ne lâchent pas leur cellulaire une seconde. Qui marchent constamment la tête baissée, les yeux rivés sur leur écran. 

Des couples, des parents et des enfants qui sont assis à la même table, mais qui ne se parlent pas. Qui pitonnent. 

Le reflet des images qu’ils regardent illuminant leurs yeux, comme des néons. 

Transformant leurs pupilles en mini-télés. 

« J’AI LE DROIT »

Les gens qui s’insultent sur les médias sociaux. Qui se menacent.

L’intimidation et le harcèlement comme passe-temps, comme loisir. 

La hargne. La haine. 

Des hommes et des femmes qui vomissent leur bile comme on tire la chasse d’eau aux toilettes. 

Le ton de plus en plus agressif de nos échanges. Les gens de plus en plus polarisés, crinqués, incapables de discuter. 

Les fausses nouvelles. Les complots. Les superstitions. 

Cette méfiance quasi généralisée envers les représentants de l’élite (intellectuels, journalistes, scientifiques) et les figures d’autorité (politiciens, policiers).

Les individus qui sont incapables de faire des sacrifices, de penser aux autres.

Ce culte des droits individuels. Me, myself and I

Kennedy à l’envers : « Ne demandez pas ce que vous pouvez faire pour votre pays, mais ce que votre pays peut faire pour vous. »

Le remplacement du concept de « citoyen » par celui de « consommateur ». 

J’ai le droit. Je paie. Le client est roi.

À BAS LES DÉBATS !

La confusion idéologique.

Des féministes pro-voile. Des gauchistes traditionnellement laïcs qui manifestent aux côtés de leaders religieux. Des antiracistes qui jugent les gens à la couleur de leur peau.

Des militants du « vivre-ensemble » qui ne cessent d’ériger des murs entre les communautés.

Des universités qui prônent la censure, la mise à l’index de certaines œuvres et qui rêvent à un monde où tous les citoyens penseraient pareil. 

Des penseurs qui souhaitent instaurer une police de la pensée. Des antifascistes qui encouragent la délation et la violence.  

Les milices armées. Le black bloc. 

Les détours. Les culs-de-sac. Les cônes orange. Les nids de poule.

Le grand embouteillage. 

La rage au volant. 

Les jeunes ont la connaissance infuse. L’émotion a plus d’importance que la raison.

Le transhumanisme. L’homme délivré de la biologie. Changer son âge et son sexe par la chirurgie.

Le mariage de la technologie et de l’humain.

Et, finalement, la mort de la mort. 

Telle est l’époque à laquelle je vis.

Et comme disait Michel Sardou dans une entrevue, récemment : « Je hais mon époque. »

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