Denise Bombardier - « Quand les hommes vivront d’amour, il n’y aura plus de misère, les soldats seront troubadours, mais nous, nous serons morts, mon frère. »
Notre regretté Raymond Lévesque a écrit une des plus belles chansons du répertoire. Lire sa poésie nous serre toujours le cœur.
La période que nous vivons est infernale. L’art de la conversation appartient au passé. La discussion, qui suppose le choc des idées, est devenue un risque que beaucoup de gens refusent de prendre. Plusieurs sont redevenus taiseux, ce qui agrandit l’espace des hurleurs et des haineux.
Le clivage politique partisan rend impossible toute nuance de la pensée. La conséquence est inévitable : c’est le recul de la raison. Le savoir humain est mis à mal par un dérèglement de l’esprit, de la sensibilité et de l’intuition.
Une minorité
Nous sommes face à des robots, non pas pensants, mais déconnectés du réel. C’est pourquoi, même s’ils sont minoritaires, ils accaparent les réseaux sociaux et inversent leur statut d’agresseurs sociaux. Les complotistes et autres antivax et anti-mesures sanitaires sont emmurés. Les mots dont ils usent sont vides de sens.
Ce sont des jappements de bêtes enragées, blessées sans doute, dépouillées de l’estime d’eux-mêmes, sans repères moraux, spirituels et historiques. Toute tentative d’échanges avec eux s’avère inutile et décourageante.
Nous savons que la politique nous éloigne les uns des autres. Mais elle peut aussi nous rapprocher et nous permettre de progresser en développant le dépassement individuel et collectif. La démocratie, imparfaite comme l’être humain, demeure la voie royale du vivre-ensemble.
Mais la pandémie qui s’est abattue sur nous nous a déconstruits. Personne n’y échappe. C’est pourquoi des amis d’hier sont devenus des ennemis à vie. Les divergences politiques entre gens civilisés ne brisent pas les liens amicaux, amoureux ou sociaux. La COVID s’en charge.
Péril en la demeure
L’individualisme au nom duquel certains revendiquent un droit qui met en péril le droit de la majorité de se protéger contre la maladie et la mort démontre les limites de la démocratie.
En temps de guerre, car nous y sommes, tous les droits ne sont pas égaux. Les droits sont aussi hiérarchisés. Notre société n’est plus composée que de contradicteurs et d’adversaires. Des ennemis irréductibles s’affichent. C’est pourquoi nous devons les combattre avec les armes que sont nos lois et des règlements plus musclés.
Nous souffrons d’une pollution du langage. De la liquidation de la politesse, qui transformait autrefois nos échanges quotidiens en petits bonheurs. De la vulgarité devenue banale au-delà de notre imaginaire et qui nous éclabousse tous.
Il faut résister à la tentation de se placer sur le même terrain que ceux qui déraillent. Il faut éviter d’emprunter leurs mots. Il faut rêver de la fin de ce cauchemar. Nous étions autrefois un peuple de bonne humeur, à un passé certes rude, où le mépris nous était familier, mais où le tragique de la vie nous a été épargné. Nous sommes capables de reconstruire une telle société.