Josée Legault - La pandémie s’accroche. Ici comme ailleurs, on vogue de confinements en déconfinements. Entre la lumière au bout du tunnel et le bout du rouleau, on divague.
D’où les critiques montantes envers les directives en « yo-yo » du gouvernement Legault. Changeantes comme peut l’être la COVID, en cinquième vague, elles sont néanmoins aussi confuses et parfois même contradictoires.
Le climat étant lourd, le premier ministre annonce un déconfinement « mollo ». Le « mollo » étant tout d’abord le produit d’un système de santé croulant plus qu’ailleurs au pays sous le poids de la vague Omicron.
Le « mollo » découle aussi du retard pris par le Québec sur la troisième dose, la ventilation dans les écoles et la reconnaissance de l’efficacité supérieure des masques N95.
Donc, prudent, oui. Avec raison. Or, quand M. Legault lance du même coup que nous sommes « sortis du tunnel », mais que le « train de la santé est magané », la hâte reprend momentanément le dessus sur le « mollo ».
Face à l’inconnu des prochains mois, le Québec n’est pas plus « sorti du tunnel » que le reste de la planète. Pour la suite, bien malins les devins.
Après la valse-hésitation d’un couvre-feu mal reçu, assistons-nous donc à une énième opération politique ? Question d’apaiser une population fatiguée et de faire oublier les retards du Québec dans cette cinquième vague ?
Ou est-ce une tentative nécessaire de donner une bouffée d’oxygène à la vaste majorité de Québécois qui, depuis deux ans, fait tout ce qu’elle peut ? Réponse courte : un peu des deux.
Sous haute pression
De fait, malgré l’intense rapport émotif liant une majorité de francophones à François Legault, ce dernier est sous haute pression. Sous pression des Québécois fatigués. De lobbys pressés. De son propre caucus. Ses députés entendent l’impatience de leurs électeurs.
La confusion entourant plusieurs mesures, y compris pour les écoles, les agace. On exige le passeport vaccinal pour les clients de certains commerces, mais pas pour les employés. Dans le réseau de la santé, on l’exige des proches aidants, mais pas des soignants. Etc.
La pandémie est aussi un redoutable révélateur de la faiblesse désolante de notre système de santé. Elle nous confronte aussi à nos inégalités sociales qui minent la capacité de nombreux Québécois à mieux s’« adapter » pour tenir le coup.
Bref, un jour, une fois sortis de cette guerre pas comme les autres, combien de morts, directs ou indirects, aura-t-elle laissés derrière elle ?
Combien de détresse non dite ?
Combien de « délestés » d’un dépistage, d’une chirurgie ou laissés à croupir sur d’interminables listes d’attente en « santé mentale » ? Combien de soignants traumatisés ?
Combien de proches aidants éclopés à vie, physiquement, émotivement et financièrement ? Combien d’enfants et d’adultes en situation de handicap intellectuel, privés d’activités et de socialisation, auront régressé pour de bon ?
Combien de détresse non dite ? Combien de rêves brisés ? Combien d’années volées ? Combien de femmes violentées derrière des portes closes ?
Chez les restaurateurs aux clientèles plus modestes, combien auront piqué du nez, emportant avec eux de longues années de sacrifices et d’espoir ?
À l’opposé, dans la restauration de luxe, combien d’autres surnageront grâce à leurs clientèles mieux nanties ?
Provoqué par la pandémie, le boom immobilier enrichit aussi les uns et appauvrit les autres. Et l’itinérance ? Elle s’étend sous nos yeux.
Ces interrogations semblent trop sombres ? Espérons-le. La réalité nous regarde néanmoins dans le blanc des yeux.
Les victimes collatérales de cette pandémie risquent en effet d’être bien plus nombreuses qu’on ose même se l’imaginer.