CHSLD: 8 raisons pour une commission d'enquête : Josée Legault

Josée Legault - Malheureusement, le rapport final de la commissaire à la santé, Joanne Castonguay, sur la gestion de la pandémie dans les CHSLD, nous laisse sur notre faim.

Il met surtout le doigt sur des éléments connus, dont la non-préparation des CHSLD en amont de la crise. Sur la chaîne de commandement ayant mené à l’hécatombe de la première vague, il est toutefois fort timide.

L’éventuel rapport de la coroner Géhane Kamel promet d’être plus costaud. Son mandat est cependant limité à 6 CHSLD. Bref, tout milite en faveur de la création d’une véritable commission d’enquête. Publique, élargie et indépendante.

L’élection approchant, le gouvernement Legault s’y refuse. Les raisons de revoir sa décision ne lui manquent pourtant pas. En voici quelques-unes parmi d’autres.

1. L’ampleur exceptionnelle du carnage au Québec. Durant la première vague, sur les 5718 personnes mortes de la Covid-19, 3675 vivaient en CHSLD, 944 en RPA et 217 en RI-RTF.

2. Les personnes résidant en CHSLD ont donc compté pour 64 % des décès alors qu’elles ne forment que 0,5 % de notre population. Une hécatombe, c’est ça.

3. Ces milliers de nos compatriotes sont également morts coupés du monde et trop souvent, dans des conditions abominables.

4. Depuis près de 30 ans, les lanceurs d’alerte sur la négligence des CHSLD ont pourtant abondé. Nos gouvernements ont reçu des montagnes de mémoires la dénonçant. Or, tout ça croupit au fond des oubliettes de l’Assemblée nationale.

5. À l’opposé, une commission d’enquête publique, créée en vertu de la loi du même nom, serait impossible à ignorer. Idem pour ses recommandations, les gouvernements devant rendre compte publiquement de son suivi.

6. Frappé de plein fouet depuis deux ans par une pandémie mondiale, il n’y a pas lieu de douter de la volonté du premier ministre de « refonder » le réseau de santé, dont les CHSLD. Encore faut-il qu’il ait en mains une feuille de route digne d’une mission aussi titanesque. Une commission d’enquête la lui donnerait.

7. Au fil des décennies, les gouvernements québécois ont institué de nombreuses commissions d’enquête sur des dossiers de grand intérêt public. Qui peut dire aujourd’hui que notre printemps meurtrier de 2020 n’est pas un sujet de grand intérêt public ?

8. Pour la plupart, ces commissions ont obligé les décideurs à redresser des situations dramatiques. Que ce soit en matière de santé publique, d’éthique, de gestion des fonds publics, de corruption, de patronage, de criminalité, etc.

Dans les années 2010, quatre commissions d’enquête ont remis leur rapport. Notamment la légendaire commission Charbonneau sur la corruption et le financement politique occulte.

Dans les années 2000 : quatre commissions. Dont une, présidée même par un ex-premier ministre, portait exclusivement sur l’effondrement d’un viaduc.

Dans les années 1990, il y en a eu huit. Dans les années 80 : 13. Durant la Révolution tranquille, pas moins de 31 commissions d’enquête ont vu le jour.

Après la mort atroce de la fillette de Granby, le gouvernement Legault n’a d’ailleurs pas hésité à confier à Régine Laurent le mandat d’enquêter sur les manquements graves qui, depuis longtemps, rongent la DPJ.

Comment peut-on croire que la mort tragique de milliers de femmes et d’hommes d’ici durant la première vague – un des pires bilans au monde – ne mériterait pas qu’on aille véritablement au fond des choses ?

Non pas pour pointer des coupables. Ce n’est pas le rôle des commissions d’enquête. Il nous faut cependant comprendre ce qui s’est passé, d’un bout à l’autre.

Y compris, en ce qui a trait à la responsabilité des gouvernements qui, depuis 30 ans, ont délaissé les vieux malades. Il le faut pour qu’entre les crises, aussi, ils retrouvent enfin leur droit de vivre dans la dignité. Un jour, les vieux malades, ce sera nous...

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