Quand tout coûte plus cher : Josée Legault

Josée Legault - Tout coûte plus cher et de plus en plus. À moins d’avoir la chance de faire partie des mieux nantis, le constat est aussi douloureux qu’indéniable. Tout d’abord, la nourriture.

Selon le Rapport sur les prix alimentaires canadiens, les prix déjà élevés pourraient grimper de 7 % en 2022. Particulièrement pour les fruits et légumes, pourtant essentiels à la santé.

Pour une famille de quatre, la facture annuelle d’épicerie pourrait grimper de près de 1000 $. À voir la vitesse à laquelle les prix montent de semaine en semaine, gageons que ce montant est sous-estimé.

Tout coûte plus cher. La bouffe. L’essence. Le logement. L’accès à la propriété. Les vêtements. Etc. Il va cependant sans dire qu’on ne verra pas pour autant les chics résidants d’Outremont, de Westmount ou de Sillery devoir quêter sur les rues pour manger, faire leur Costco ou fréquenter leurs restos haut de gamme.

Vous ne les verrez pas plus frapper à la porte d’une banque alimentaire. La seule banque qu’ils fréquentent est celle qui fait fructifier leurs avoirs.

Pas tous égaux

Pour ceux et celles dont les revenus sont limités ou fixes, c’est une autre histoire. Ils devront couper sur leur panier d’épicerie, en quantité et en qualité. Ce qui, un jour, finira par affaiblir leur santé.

Pour les travailleurs à petits salaires et les bénéficiaires de l’aide sociale, dont de nombreuses femmes mères monoparentales, ça sent la catastrophe. Avec un petit revenu, se donner une qualité de vie même minimale était déjà une impossibilité mathématique.

Quand le panier d’épicerie devient un « luxe », comment s’étonner de voir la fréquentation des banques alimentaires bondir de 22 % cette année ? Imaginez l’an prochain...

Cette inflation galopante est aussi le reflet brutal des effets de la pandémie sur les moins nantis. Depuis le printemps 2020, les écarts de richesse se creusent.

Les bien nantis en ont profité pour économiser et investir encore plus. Les déjà moins nantis, avec ou sans la PCU du fédéral, se sont appauvris encore plus.

Pour le voir, il n’y a qu’à s’ouvrir les yeux. Et que dire de l’itinérance qui, à Montréal, monte en flèche ?

Agir entre les crises

Que faire ? Les conseils gentillets du genre « servez-vous des coupons », « courez plusieurs épiceries selon les spéciaux », tombent à plat. Car encore faut-il pouvoir courir d’un bout à l’autre de sa ville, en avoir les moyens et le temps.

Quand tout coûte plus cher, les aides gouvernementales ponctuelles sont aussi d’un effet marginal. Augmenter substantiellement les salaires ? Pénurie ou pas, allez dire ça aux employeurs dont la main-d’œuvre est à petit salaire.

Nos gouvernements, tous paliers confondus, ébranlés par les coûts de la pandémie, risquent aussi de se contenter d’interventions trop timides pour pallier le pire.

Le meilleur moment pour prévenir l’augmentation des écarts de richesse en temps de crise est pourtant de le faire entre les crises. Quand l’accalmie règne sur le front économique, c’est le moment de solidifier les mailles de notre filet social.

Y compris par la création d’un revenu minimum garanti décent. Nos gouvernements, comme leurs prédécesseurs, s’y refusent néanmoins. Ils préfèrent boucher les fissures sur les murs au lieu de s’assurer d’une construction plus solide les prévenant.

Or, il en va des politiques sociales comme d’une maison. Laisser les murs se fissurer est de la négligence condamnée à coûter plus cher en perte de qualité de vie et en futures réparations urgentes.

Alors que de voir à se donner une fondation solide ferait tout le contraire.

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