Josée Legault - Comment dit-on damage control en français ? Happé par les fortes turbulences qu’il a provoquées lui-même mercredi en se vantant de vivre à Montréal en anglais seulement depuis 14 ans,
Michael Rousseau, PDG d’Air Canada, n’a eu d’autre choix que de s’en excuser hier.
Ah oui : « bouton de panique ». Désolée Sir Rousseau. Ça ne fonctionne pas. Ses pâles excuses signées à la sauvette n’effacent en rien ses propos méprisants de la veille sur le français.
Sous haute pression de la classe politique, québécoise et fédérale, Sir Rousseau pousse même l’enveloppe du ridicule jusqu’à promettre qu’il va « améliorer » son français. Améliorer le vide, on fait ça comment ?
Suivant son discours In English Only à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, il s’est en effet montré incapable de comprendre les questions en français des journalistes. Ils lui auraient parlé en tagalog que sa réaction n’aurait guère été différente.
Arborant un air hautain de royauté loin d’une populace à la langue étrange, il s’est même dit « trop occupé » pour apprendre le français. L’important pour lui est de vivre ici confortablement, sans avoir à baragouiner l’« autre » langue officielle du plus meilleur pays du monde.
En cela, la réaction de Michael Rousseau trahit une vérité qui fait mal. Il n’y a qu’à vivre dans la région montréalaise, dont le chic Saint-Lambert où reposent ses luxueux pénates, pour le savoir.
In English Only
L’homme n’est pas un ermite ni un fou. S’il vit ici aussi joyeux, c’est que la félicité In English Only y est tout à fait possible. Au-delà même du mépris historique d’Air Canada pour le français, le vrai problème, il est là.
Sauf à la Montreal Gazette, la ré-anglicisation de Montréal depuis près de 20 ans, incluant dans la plus parfaite indifférence plusieurs francophones, crève les yeux.
Michael Rousseau, né à Cornwall en Ontario, est aussi le reflet troublant d’un phénomène que l’on nomme trop rarement : l’assimilation de générations de francophones à l’anglais.
C’est pourquoi ses propos ont aussi choqué des francophones hors Québec. Occupés à se battre quotidiennement pour la survie de leur langue, ils connaissent les ravages cruels dans leurs rangs de l’assimilation à l’anglais.
L’assimilation de Sir Rousseau est telle que même le fait d’avoir une épouse et une mère francophones ne lui a jamais donné le goût d’apprendre le français. L’assimilation, c’est ça.
Le piège de l’assimilation
En entrevue à La Presse, il a précisé ceci : « Du côté de ma mère, tous mes ancêtres sont francophones, mais malheureusement, du côté de mon père, le français a été perdu depuis trois générations. C’est sûr que j’aimerais le parler. »
Des histoires comme la sienne sont légion. Elles rappellent l’immense force d’attraction de l’anglais face au français en ce pays. L’assimilation séculaire de francophones, y compris au Québec dans une moindre mesure, est une autre vérité qui fait mal.
S’il faut des lois linguistiques costaudes, c’est justement pour muscler le rapport de forces naturellement faiblard du français face à l’anglais. Avec la loi 101, le Québec l’avait fait, mais les gouvernements précédents s’en sont désintéressés.
Et Michael Rousseau ? L’assimilation est chose brutale, mais réversible. Il s’agit d’agir en conséquence. Au Québec depuis 14 ans, il a eu amplement le loisir de le faire. Or, il a choisi le confort douillet de son unilinguisme anglais.
Tel un trophée céleste attestant de sa réussite dans le firmament prisé du big business, il le porte fièrement. Comme quoi, l’assimilation, c’est avant tout dans la tête que ça se passe.