Josée Legault - C’est tout de même inouï que l’on exige avec raison le passeport vaccinal des proches aidants et des visiteurs, mais pas des soignants eux-mêmes.
La décision de Christian Dubé de repousser au 15 novembre la vaccination obligatoire dans le réseau de la santé pour éviter des bris de services rassure les uns à court terme. Pour la suite, elle en inquiète bien plus encore.
Il ne faut surtout pas que le ministre de la Santé recule à nouveau le 15 novembre. Sinon, le principe même du devoir éthique des soignants de se faire vacciner en pandémie volerait en éclats. Un tel dénouement serait gravissime.
Malgré le déni choquant des syndicats, la réalité ne ment pas. Les soignants non vaccinés menacent la santé de leurs collègues, de patients et de résidents aînés ou d’adultes handicapés vivant en ressources d’hébergement.
Il est tout de même inouï que l’on exige avec raison le passeport vaccinal des proches aidants et des visiteurs, mais pas des soignants eux-mêmes.
Malgré leur propre pénurie de personnel, plusieurs États, dont la France, l’imposent pourtant à tous leurs soignants. Au Québec, ce report envoie toutefois un message d’hésitation.
Le problème est que sur les 330 000 employés du réseau, 14 613 refusent encore la vaccination. Ils vont ainsi à l’encontre des données scientifiques sur la COVID-19. Pour des soignants, un tel refus de la science est irrecevable.
Récalcitrants endurcis
L’espoir ambiant est néanmoins que les irréductibles finiront par se ranger. Or, ce sont des récalcitrants endurcis. Christian Dubé le sait sûrement. S’il s’achète du temps, espérons que ce soit surtout pour préparer le réseau au départ éventuel des derniers entêtés.
Ce chiffre de 14 613, que nous dit-il ? Il nous dit que la résistance aux vaccins contre la COVID-19 est élevée dans le réseau québécois de la santé. Et que l’ignorer n’est pas une option.
En France, depuis le 15 septembre, tous les soignants doivent être vaccinés ou avoir reçu leur première dose. Sur les 2 millions d’employés, seulement 15 000 sont ou seront suspendus sans solde pour avoir refusé de le faire.
Pourquoi ?
Toutes proportions gardées, le taux de soignants récalcitrants est donc nettement plus élevé ici qu’en France qui est pourtant le pays de toutes les contestations.
Que se passe-t-il donc au Québec ? Pourquoi, malgré même l’annonce initiale de la vaccination obligatoire pour le 15 octobre sous peine de suspension sans salaire, plus de 14 000 soignants ont néanmoins tenu tête ?
Y compris de nombreux préposés aux bénéficiaires en contact étroit avec des personnes vulnérables. Selon le ministre, dans certains « milieux de vie », CHSLD, RPA, RI-RTF, c’est plus de 20 à 50 % des PAB qui ne sont pas vaccinés. Un sacré problème.
Alors, pourquoi ? Les théories complotistes sont-elles plus répandues ici ? Est-ce un problème de formation ? Des croyances antiscientifiques, religieuses ou autres sont-elles plus présentes ici qu’on l’aurait cru ?
Dans chaque société, dont le Québec, la pandémie expose au grand jour ses faiblesses trop souvent ignorées. S’ajoutent maintenant à notre liste des milliers de soignants antiscience.
Dans une société vieillissante, les Québécois seraient sages de s’en inquiéter au plus vite. D’où l’importance pour le ministre de la Santé de ne pas reculer le 15 novembre.
Le message aux récalcitrants qui resteront doit être intraitable. En pandémie, vous vous faites vacciner ou vous changez de métier. That’s it, that’s all.