Josée Legault Mercredi, 19 janvier 2022 05:00 - Le diagnostic posé récemment sur la première vague meurtrière au Québec par le Dr Luc Boileau vaut la peine qu’on s’y attarde.
Pour le gouvernement Legault, la journée s’annonce difficile. La Commissaire à la santé, Joanne Castonguay, remet son rapport final sur la « performance » du système de santé dans les CHSLD et les RPA durant la pandémie.
D’autant plus difficile que le rapport Castonguay tombe au moment même où la coroner Géhane Kamel termine ses propres audiences sur le carnage de la première vague dans les CHSLD.
Bref, rien pour alléger les pressions montantes pour une véritable enquête publique indépendante – une condition vitale si l’on veut comprendre comment y améliorer pour de bon les conditions de soins et de vie.
Dans cet épais brouillard, j’expliquais hier pourquoi le témoignage de Marguerite Blais devant la coroner Kamel, est le plus plausible d’entre tous.
Vendredi, la ministre des Aînés et des Proches aidants confirmait qu’avant mars 2020, pendant que le ministère de la Santé préparait les hôpitaux à la pandémie, rien n’avait été fait pour les CHSLD, pourtant déjà très fragiles.
Cette absence totale de préparation, combinée entre autres aux effets délétères des réformes Barrette, des compressions sous les régimes Bouchard et Couillard et de la négligence crasse des CHSLD sous les gouvernements précédents, c’était la chronique d’une catastrophe annoncée.
Un « choc très difficile à gérer »
Fait intéressant, tout récemment, le Dr Luc Boileau, appelé désormais à jouer un rôle majeur dans la gestion de la pandémie comme nouveau directeur national par intérim de santé publique, semblait abonder dans le même sens.
En octobre 2021, alors PDG de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux du Québec, il était un des conférenciers invités aux Rencontres santé de Nice, en France. Le Dr Réjean Hébert, ex-ministre de la Santé, en faisait aussi partie.
Questionné sur la tragédie de la première vague, la réponse du Dr Boileau, comme celle de la ministre Blais, était claire et lucide. Parce qu’il occupe maintenant des fonctions importantes pour la suite des choses, ce qu’il en a dit à Nice vaut la peine qu’on s’y s’attarde. En voici quelques extraits.
« Une des grandes caractéristiques [au Québec], ç’a été cette première vague, qui a été meurtrière pour, malheureusement, les personnes beaucoup plus âgées. [...] C’était un risque tout particulier pour les personnes qui étaient en hébergement. Dans nos CHSLD et même nos RPA, il y a eu des catastrophes, vraiment dures et indignes d’un système qui était supposé être solide. » [...]
« On a misé, au début, sur une protection de l’espace critique des soins hospitaliers et des soins critiques, et on a délaissé l’attention qu’on devait porter sur les autres, d’une certaine manière, mais c’était un système qui était déjà extrêmement fragile de ce côté-là. » [...]
Recette parfaite pour une explosion de cas
« Là où on a eu un défaut, c’est probablement dans l’anticipation, préalable, avant que la COVID existe, des besoins ou de l’organisation des services qui devait être faite pour les personnes âgées, particulièrement en hébergement. » [...]
« Et l’arrivée dramatique de la COVID, avec ces espaces mal gérés, une faible protection sur le plan infectieux, un appel de ressources vers le secteur hospitalier et un transfert des cas lourds vers les CHSLD, a été une recette parfaite pour avoir une explosion de cas. » [...]
« Quand on regarde le Québec – même si la population est globalement très satisfaite de l’évolution de la gestion de la COVID –, il n’en demeure pas moins que si on retire le Québec du Canada, et on se compare au Canada, on a eu deux fois plus de décès. Ces décès-là, ce sont des personnes âgées, dont la majorité [vivait] en établissement. Alors, il y a quelque chose là, qui est un choc et qui est très difficile à gérer. »
Voilà qui est dit... et redit.