Josée Legault Mercredi, 22 avril 2020 05:00 - Ces dernières années, c’est tout l’édifice des services sociaux aux personnes vulnérables qui s’est écroulé sous nos yeux. Sur la photo, le désormais tristement célèbre CHSLD Herron.
https://www.journaldemontreal.com/2020/04/22/rebatir-le-prendre-soin
Dans plusieurs CHSLD et rési-dences privées pour personnes âgées, la crise de la COVID-19 n’est plus une crise. C’est une catastrophe pleine et entière. Une catastrophe qui n’a rien de naturel.
J’en expliquais hier certains des facteurs en amont.
Les deux principaux étant les années d’austérité libérale et les effets toxiques des « réformes » Barrette.
En ultra-centralisant le système de santé, l’ex-ministre Gaétan Barrette l’a rendu dysfonctionnel, non imputable et déshumanisé. Le constat est indéniable---.
Cette déconstruction est celle du « prendre soin » des Québécois, ce contrat social et politique qui nous liait tous depuis la Révolution tranquille.
Gravement négligés depuis des années, les CHSLD, leurs employés et leurs résidents, âgés ou adultes handicapés, en sont aujourd’hui les plus durement frappés.
Ce désastre annoncé découle aussi d’un autre pan majeur des régimes Charest et Couillard-Barrette. Soit l’affaiblissement continu des services sociaux au profit de la canalisation des ressources de l’État vers les hôpitaux et la médecine spécialisée. Ce qu’on appelle l’hospitalo-centrisme.
Vérité
Face à la COVID-19, l’érosion du « prendre soin » des gens éclate au grand jour dans des CHSLD et résidences privées devenus de dangereux foyers d’éclosion.
La vérité est qu’elle mine aussi l’ensemble des services sociaux aux personnes fragiles ou vulnérables, tous âges confondus.
La mort violente de la « fillette de Granby » nous l’a montré pour la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ).
Les services aux personnes handicapées intellectuelles ou physiques ont également été réduits radicalement.
Et que dire des CLSC, vidés au fil du temps de leurs services de première ligne ?
À son arrivée au pouvoir en 2014, Gaétan Barrette s’était même permis de jeter aux orties le projet d’assurance-autonomie de l’ex-ministre péquiste de la Santé Réjean Hébert.
Ce projet novateur visait la création d’un fonds consacré aux soins à domicile pour les personnes en perte d’autonomie, tous âges et conditions confondus.
Reconstruire
Ça coûterait trop cher, avait lancé le Dr Barrette du haut de sa tour déconnectée du réel.
Des milliards, il en trouverait néanmoins des liasses pour la médecine spécialisée.
En fait, ces dernières années, c’est tout l’édifice des services sociaux qui s’est écroulé sous nos yeux.
Les meilleures pratiques de par le monde nous montrent pourtant qu’ils constituent la première et la plus solide des assises pour des populations plus en santé et une meilleure réduction des inégalités.
Certaines voix nous disent toutefois qu’en pleine débâcle, le temps n’est pas à en cerner les causes. Qu’il faut se taire et se « serrer les coudes ». Au contraire.
C’est parce qu’on est en pleine crise que les failles béantes de notre système de santé et de services sociaux sont exposées à vif. Si l’on veut faire mieux à l’avenir, il faut aussi les regarder maintenant.
Au gouvernement comme dans la société civile, notre capacité à rebâtir ce que ces réformes délirantes ont détruit dépendra aussi de notre capacité de refuser le déni. Se serrer les coudes, c’est aussi ça. Si pour le faire, nous attendons d’avoir fini de compter les morts, nous risquons d’oublier.