Josée Legault Mardi, 21 avril 2020 05:00 - Des CIUSSS sont entrés en catastrophe dans certaines résidences, comme la SPCA dans des usines à chiots. Sur la photo, la résidence privée Notre-Dame-de-la-Victoire, à Saint-Hubert.
https://www.journaldemontreal.com/2020/04/21/une-tragedie-previsible
Révoltante et prévisible, la crise humanitaire dans les CHSLD et résidences pour personnes âgées en perte d’autonomie est une tragédie. Les conditions d’indignité qu’on trouve dans certains d’entre eux et les morts qui s’y multiplient en disent très long. Ils nous crient l’extrême négligence politique et budgétaire dont leurs résidents et employés ont été victimes depuis des années.
La santé publique aura aussi son examen de conscience à faire. On y a minimisé la crise à ses débuts.
Sans fondement, on a répété aux Québécois qu’il ne servait à rien de porter un masque non médical.
Pour « vider » des lits d’hôpitaux, on a déplacé des aînés fragiles dans des CHSLD et résidences privées, dont on savait qu’ils seraient propices aux éclosions. On y a laissé le personnel sans préparation ni matériel de protection.
Dans les pires résidences privées, dont le CHSLD Herron et la résidence Notre-Dame-de-la-Victoire, les médias, dont le nôtre, en ont révélé toute l’horreur.
Gâchis
Des CIUSSS y sont entrés en catastrophe comme la SPCA dans des usines à chiots. Mais où étaient les CIUSSS avant ?
Résultat : pour Montréal, l’épicentre de la COVID-19, le premier ministre lance des appels désespérés pour des « bras » : armée, médecins, proches aidants, fonctionnaires, etc.
La cellule de crise pourrait aussi s’enrichir d’autres cerveaux expérimentés en épidémies. On y a toutefois refusé l’apport de la Dre Joanne Liu, reconnue internationalement dans le domaine.
Le premier ministre François Legault a pris l’entière responsabilité du gâchis.
« Il aurait fallu, disait-il vendredi, que j’augmente plus vite les salaires des préposés aux bénéficiaires ». Peut-être. Les problèmes minant plusieurs CHSLD et résidences à but lucratif sont néanmoins beaucoup plus profonds.
Débarrettiser le système
En amont du désastre, on trouve aussi la responsabilité des régimes Charest et Couillard.
Des années d’austérité. Un hospitalo-centrisme entêté au détriment des services sociaux. Les réformes ultra-centralisatrices du ministre de la Santé, Gaétan Barrette.
Sa création des méga-CISSS et CIUSSS, dans lesquels on a noyé entre autres les CHSLD, a fortement déconnecté le « système » des vrais besoins d’une société, doit-on le rappeler, vieillissante.
Sous le très autoritaire Gaétan Barrette, le ministère de la Santé, déjà aussi lent à bouger qu’un paquebot, en est sorti paralysé, sourd, muet et aveugle.
Au fil des ans, plusieurs experts ont documenté l’échec des réformes Barrette.
Aussi récemment que le 8 février dernier, le titre d’un long reportage du Devoir résumait l’ensemble de l’œuvre : « La pire réforme de la santé ».
Arrivée au pouvoir, la ministre Danielle McCann annonçait qu’elle ne déferait pas les « réformes » Barrette.
Elle craignait de traumatiser encore plus le « système ». Il faudra pourtant les détricoter.
Pour restaurer notre système de santé--- et nos services sociaux, le gouvernement Legault doit certes réinvestir comme il commence à le faire, mais il devra aussi le décentraliser et le réhumaniser.
Bref, la ministre McCann devra « débarrettiser » le système. Sinon, l’argent ne servira qu’à nourrir une machine gravement dysfonctionnelle.