Josée Legault Mercredi, 18 mars 2020 05:00 - L’inconnu, nous y nageons dorénavant jusqu’au cou et pour un bon bout de temps.
https://www.journaldemontreal.com/2020/03/18/la-vie-a-huis-clos
La crise de la COVID-19 nous chamboule jusque dans notre intimité. Bombardés d’infos vitales, entre les annonces des gouvernements et les experts défilant sur nos écrans, l’inquiétude nous taraude. En même temps, elle nous porte encore plus à suivre les consignes connues. Lavage des mains, distanciation sociale, isolement volontaire, etc.
« L’enfer, c’est les autres », disait Jean-Paul Sartre. Ironiquement, la phrase mythique est tirée de sa pièce de théâtre Huis clos – un titre tout à fait digne de la vie au temps du coronavirus. Pour contribuer à ralentir la propagation de la COVID-19, nous voilà donc appelés à vivre en huis clos, in absentia des autres.
Sauf, bien sûr, pour notre nouveau compagnon : l’inconnu. Nous y nageons dorénavant jusqu’au cou. La situation étant ce qu’elle est, des experts nous enjoignent de nous adapter. De nous montrer résilients. De redécouvrir les bienfaits de l’ennui. D’apprécier ces temps moins fous qu’à la normale. De réapprendre à jaser au téléphone. Pour ceux qui en ont, de nous tourner vers nos familles et nos couples.
Pas tous égaux
Après tout, tout ça finira bien par passer un jour. En attendant, face à la crise, nous ne serons pas tous égaux. La façon dont chacun traversera la tempête sera aussi tributaire de ses propres conditions de vie, de son âge, de son entourage, de ses revenus, etc. Eh oui. Même dans nos sociétés riches et avancées.
Isolées pour les protéger du virus, plusieurs personnes de plus de 70 ans vivront ainsi une grande solitude. Du moins, plus grande qu’à l’habitude. Dans les CHSLD, le personnel soignant fera ce qu’il pourra avec dévouement, mais ne sous-estimons pas la souffrance d’une solitude imposée trop longtemps.
Ceux qui en ont les moyens vident les allées des Costco plus vite qu’elles ne sont regarnies, mais combien d’autres peineront à remplir leur petit garde-manger ? Des parents occuperont leurs enfants privés d’école au meilleur de leurs connaissances et de leur énergie, mais combien d’autres seront sans ressources pour le faire ?
Avec raison, on se préoccupe de protéger nos aînés. Le ministère de la Santé vient aussi d’émettre une directive visant enfin à protéger d’autres Québécois vulnérables en milieux d’hébergement, dont les personnes déficientes intellectuelles ou autistes. Confinées et privées de leurs activités habituelles, combien en seront toutefois désorganisées ? Il faudra les aider.
Ne pas oublier
Il y aura également des gens mis à pied. Des commerçants feront faillite. Les soignants, toutes catégories confondues, travailleront fort malgré les risques inhérents au virus. Dans nos transports en commun, taxis, épiceries, pharmacies et autres rares lieux ouverts, plusieurs tiendront aussi le fort.
Face à l’orage, nos gouvernements se mobilisent pour tenter de pallier un certain nombre de nos inégalités sociales et économiques. Lesquelles seront nécessairement exacerbées par la crise. Le premier ministre François Legault gouverne en conséquence. Les Québécois le savent et l’apprécient.
Comme quoi, le rôle protecteur des États envers leurs citoyens opère un retour en force. Tâchons de ne pas trop l’oublier une fois la crise passée.