Josée Legault Mardi, 28 avril 2020 05:00 - Le Québec étant l’État le plus durement frappé au pays, faut-il vraiment commencer à déconfiner aussi tôt qu’en mai ?
https://www.journaldemontreal.com/2020/04/28/naviguer-dans-le-brouillard
« La vie doit continuer ». D’où, dit le premier ministre François Legault, le déconfinement hâtif et progressif du Québec. Dès le 11 mai, les écoles primaires, garderies et services de garde rouvriront. Le 19 mai, pour la grande région montréalaise et ses couronnes.
La situation est « sous contrôle » dans les hôpitaux, dit M. Legault. Cette réouverture se ferait donc « si, et seulement si » elle le reste d’ici là.
Dans la mesure où l’incendie n’est pas éteint dans les CHSLD, où l’on ne teste toujours pas suffisamment et où il manque d’équipements de protection, comment le saura-t-on pour vrai ?
Bref, la commande est celle d’un acte collectif de foi. Fortement critiqué, y compris par la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la Santé publique du Canada, exit l’argument avancé jeudi dernier par M. Legault d’un déconfinement visant à créer une « immunité collective ».
Extrême difficulté
Dans plusieurs pays non préparés à une pandémie, dont le Canada, les pouvoirs politiques peinent à faire face à la COVID-19, un virus hyper contagieux, dont de nouveaux symptômes apparaissent constamment.
Le Québec, pour moult raisons connues, incluant un système de santé fortement désorganisé, peine néanmoins plus que le reste du Canada.
Le Québec est l’épicentre du virus au pays. Montréal est l’épicentre du Québec.
Quatre-vingt-cinq pour cent des décès dus à la COVID-19 ayant lieu dans des CHSLD et résidences privées pour aînés, cette proportion est aussi plus élevée ici qu’ailleurs au pays.
Dans un tel contexte, l’inquiétude face à la réouverture hâtive des écoles n’est pas irrationnelle. Particulièrement à Montréal.
Évasives
La contagion communautaire s’y poursuit. Le respect de la distanciation sociale chez les citoyens s’y pratique à géométrie hautement variable.
Avec le beau temps, ces problèmes risquent d’augmenter.
L’inquiétude, on la sent aussi monter face aux réponses parfois évasives du directeur national de la santé publique, Horacio Arruda.
S’il y a éclosions dans des écoles ? Sa réponse d’hier était courte : « on va gérer ces cas-là ».
Que fera-t-on quand des enfants se retrouveront avec des parents malades ? « On verra », disait-il.
Peut-être qu’il y aura la « collaboration de la famille », ajoute-t-il, ou des « éléments » de services sociaux. Dit autrement, on navigue dans le brouillard.
Le Québec étant l’État le plus durement frappé au pays, Montréal l’étant plus que les autres grandes villes canadiennes, et la crise dans les CHSLD n’étant pas résolue, faut-il vraiment commencer à déconfiner aussi tôt qu’en mai, même graduellement ?
La question se pose.
Pour le gouvernement et la santé publique, le pari est risqué, et la marge d’erreur, très mince.
Le premier ministre continue à chercher à mieux protéger les Québécois dans la tempête.
Il n’en reste pas moins que si la « gestion » de la crise connaît d’autres ratés – elle en a connu plusieurs –, le risque pour la population est celui d’une contagion plus étendue.
Dans ce déconfinement même graduel, Montréal ne devra surtout pas servir de laboratoire.
L’espoir est que ce ne sera pas le cas.