Sophie Durocher Vendredi, 12 mars 2021 05:00 - Quand la pandémie a frappé, en mars 2020, tout le monde s’est précipité sur La Peste,
d’Albert Camus, qui s’est retrouvé en tête des meilleurs vendeurs.
https://www.journaldemontreal.com/2021/03/12/la-peste-un-an-plus-tard
Mais à l’époque, on ne savait pas à quoi ressemblerait le quotidien avec le coronavirus.
Si on lit le roman un an plus tard, on est impressionné de voir à quel point Camus décrit bien l’année qu’on vient de passer.
UN VIRUS ÉTRANGER
Pouvez-vous croire que dans La Peste, des camps de malades sont installés... dans le stade de la ville ? C’est assez ironique vu que le Stade olympique de Montréal a été réquisitionné pour la vaccination.
Dans La Peste, les habitants de la ville se demandent combien de temps ils seront séparés de ceux qu’ils aiment et s’imaginent que ça ne peut pas durer plus de six mois.
Et quand ils comprennent qu’ils en auront peut-être pour un an ou plus à vivre comme ça, voici ce qu’écrit Camus : « À ce moment, l’effondrement de leur courage, de leur volonté et de leur patience était si brusque qu’il leur semblait qu’ils ne pourraient plus jamais remonter de ce trou. »
Vous avez été choqués mercredi quand la Conférence des évêques catholiques du Canada a statué quels vaccins étaient moralement acceptables ? Vous vous êtes dit : « Je préfère me fier à Santé Canada plutôt qu’à Évêques Canada » ?
La Peste met justement en scène un affrontement entre un médecin (Rieux) qui veut combattre le mal par la science et un prêtre (Paneloux) déconnecté, qui prêche que la peste est une sorte de punition divine.
D’ailleurs, quand le prêtre tombe malade, il refuse à plusieurs reprises la visite du médecin. J’imagine que Paneloux aurait refusé le vaccin AstraZeneca !
Je lisais La Peste ces derniers jours et je soulignais des phrases clés : « Cette cochonnerie de maladie ! Même ceux qui ne l’ont pas la portent dans leur cœur. » Le coronavirus a causé d’innombrables faillites ? Camus décrit un monde où « le commerce est mort de la peste ».
Quand on manque de moyens pour lutter contre la peste, un personnage dit : « Dans toutes les armées du monde, on remplace généralement le manque de matériel par des hommes. Mais nous manquons d’hommes aussi. » Je ne sais pas s’ils ont lu La Peste dans les CHSLD...
Dans La Peste, on isole certains quartiers de la ville « particulièrement éprouvés », et on laisse les autres libres. Comme dans nos zones orange et nos zones rouges.
« Ceux qui y vivaient jusque là ne purent s’empêcher de considérer cette mesure comme une brimade spécialement dirigée contre eux. »
Les autorités répriment les récalcitrants, mais rien ne fonctionne. « La seule mesure qui sembla impressionner tous les habitants fut l’institution du couvre-feu. À partir de 11 heures, plongée dans la nuit complète, la ville était de pierre ». Avouez que la ressemblance avec ce que nous vivons est assez frappante !
LES ANGES GARDIENS
Mais c’est la phrase suivante de La Peste qui, selon moi, résume le mieux l’année qu’on vient de vivre et qui a mis en lumière des personnes exceptionnelles :
« Ce qu’on apprend au milieu des fléaux est qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser ».