Sophie Durocher Vendredi, 13 mars 2020 05:00 - Toute la journée hier, mes courriels portaient tous, sans exception, sur le même sujet et étaient presque tous formulés de la même façon :
https://www.journaldemontreal.com/2020/03/13/le-milieu-culturel-est-deja-fragile
« Circonstances exceptionnelles, etc. ; propagation du virus, etc. ; principe de précaution, etc. ; garantir la sécurité de tous, etc. ; l’événement XYZ est annulé ».
Après une dizaine, j’ai arrêté de compter : la remise des prix Junos, le Festival des films sur l’art, les spectacles au TNM, au Grand Théâtre de Québec, au Trident, à la Place-des-Arts, du plus petit au plus grand, tous les événements culturels tombaient comme des mouches.
Bien sûr, vous me direz, tous les pans de l’économie seront touchés par la COVID-19. Mais permettez-moi de penser que les victimes collatérales dans le milieu culturel vont en arracher. Pourquoi ? Parce que la précarité est leur pain quotidien. Et que l’annulation de tous les événements de plus de 250 personnes est la pire nouvelle qui pouvait les affecter.
L’ART AU TEMPS DE COVID-19
C’est clair que le milieu culturel va être frappé de plein fouet. Un milieu déjà fragile, déjà vulnérable, dont la survie financière se joue sur des marges de manœuvre minuscules. On s’entend que si les matchs de la LNH sont suspendus, ça n’a pas le même impact financier que si un petit festival qui vivote avec des subventions faméliques doit être reporté ou annulé.
On n’a qu’à penser à tous les pigistes, travailleurs autonomes, qui tirent déjà le diable par la queue. Pour des centaines d’artisans du milieu culturel, la moindre participation à un événement, un festival, un spectacle peut faire la différence entre manger trois fois par jour, payer son loyer ou... tomber dans la dèche.
Je n’ai pas besoin de vous rappeler que nombre d’artistes et artisans au Québec vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Je pense aux musiciens qui vivotent d’un cachet à l’autre et qui voient, avec chaque annulation d’événement, s’évaporer la possibilité de mettre du beurre sur leurs épinards. Je pense aux designers de mode, aux musiciens, aux comédiens, aux techniciens de scène, aux attachés de presse, etc.
Cette semaine, à QUBradio, j’ai interviewé un porte-parole de l’industrie touristique québécoise, qui me disait que les campagnes destinées à encourager le tourisme venant de l’étranger allaient être redirigées pour encourager les Québécois à visiter le Québec.
Je veux bien, mais depuis que le gouvernement Legault interdit les rassemblements intérieurs de plus de 250 personnes, comment penser que les festivals d’été (à Québec, Montréal et ailleurs) seront à l’abri de ce tsunami d’annulation ?
ART THÉRAPIE
Le plus triste, c’est que c’est en période d’anxiété, d’incertitude, qu’on a justement le plus besoin d’être en contact avec l’art, la beauté.
Ce n’est pas pour rien qu’on appelle les spectacles devant public (concerts, théâtre) de « l’art vivant » : c’est la vie dans ce qu’elle a de plus fragile, de plus puissant, quand tout peut arriver, tout peut basculer.
C’est tout le contraire de cette fameuse « distanciation sociale » qu’on doit tous pratiquer.
J’espère juste que quand la vie reprendra son cours, on retrouvera intact le plaisir d’être dans une salle obscure, des centaines à être collés les uns aux autres, pour renouer avec nos artistes... en chair et en os.