Épidémie culturelle - Sophie Durocher

Sophie Durocher Lundi, 16 mars 2020 05:00 - Cette phrase a beaucoup circulé en fin de semaine sur les réseaux sociaux : « Vos grands-parents sont passés à travers la guerre.

https://www.journaldemontreal.com/2020/03/16/epidemie-culturelle

Vous, on vous demande de passer à travers... une période où vous devez rester chez vous, assis sur votre canapé. Vous allez y arriver ! »

 C’est ironique, bien sûr. Mais on s’entend qu’il y a là une vérité : en regard du sacrifice de nos prédécesseurs, être en retrait forcé entre les quatre murs de sa maison, c’est de la petite bière.

J’aime bien aussi celle-ci : « Pour contribuer à une grande cause pendant la Deuxième Guerre mondiale, tu devais mourir le visage dans la boue alors que maintenant tu peux rester à la maison, regarder les Sopranos et passer pour un héros ».

SAUVER DES VIES EN RESTANT CHEZ SOI

Les mauvaises nouvelles ont continué de débouler pour le milieu culturel en fin de semaine : fermeture des bibliothèques, fermeture de toutes les salles de spectacles pour 30 jours, des musées, des cinémas.

« On a le droit d’aller se saouler parce que la SAQ est ouverte, on a le droit de se geler parce que les magasins de pot sont ouverts, mais on n’a pas le droit d’aller voir un film », s’est exclamé Vincent Guzzo.

Mais ce qu’il ne comprend pas, c’est que si tu vas t’acheter un Chianti ou un joint, tu ne passes pas une heure et demie assis à côté de dizaines d’individus dans un endroit clos, que tu risques de contaminer.

C’est sûr que toutes ces fermetures sont d’une tristesse inouïe. Mais heureusement, plein d’initiatives vont nous permettre de passer au travers.

Je pense au Festival international du film sur l’art, qui a annoncé que plusieurs films de son édition vont être disponibles en ligne (artfifa.com).

Je pense à la compagnie de cirque Flip Fabrique, qui rend disponible l’intégralité de son spectacle Féria – L’attraction, offert par la Ville de Québec (flipfabrique.com).

Je pense au Metropolitan Opera, qui rediffusera gratuitement ses œuvres à partir de ce soir, sur son site. Et le premier disponible, ce soir à 19h30, sera le Carmen de Bizet de 2010, avec Yanick Nézet-Séguin comme directeur musical.

Mais il n’y a pas que ces initiatives qui me réjouissent.

Sur Twitter, quelqu’un a parti un mot-clic #confinementlecture. Et chacun y va de suggestions de livres pour passer à travers. Ça va de Les mains sales de Sartre (à lire avec une bouteille de Purell) à L’amour au temps du choléra de Garcia Marquez.

Au Québec, les librairies sont encore ouvertes. Et si au lieu de stocker de façon compulsive du papier de toilette, on stockait de façon compulsive une autre sorte de papier : celui sur lequel on imprime des livres ?

Comme l’a écrit un internaute, petit comique : « Ne paniquez pas. Achetez des livres. Vous aurez quelque chose pour empêcher vos mains de toucher votre visage et, si c’est un mauvais livre, vous aurez résolu le problème du papier de toilette ».

Pour ma part, je pense relire La Peste de Camus : « Personne n’avait encore accepté réellement la maladie. La plupart étaient surtout sensibles à ce qui dérangeait leurs habitudes ou atteignait leurs intérêts ».

Ça ressemble pas mal à ce qu’on vit au Québec, en ce moment, non ?

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