Lettre aux manifestants - Véronyque Tremblay

Véronyque Tremblay Je vous ai regardés samedi déambuler dans les rues de Montréal pour exprimer votre ras-le-bol des mesures sanitaires.

J’ai même été surprise de voir l’ampleur de votre manifestation. Je savais qu’il y avait du mécontentement, mais je ne pensais pas qu’il y aurait autant de gens qui prendraient le risque de se regrouper et de s’exposer publiquement, sans masque et sans distanciation pour la plupart d’entre vous.

J’ai écouté vos commentaires dans les médias, j’ai lu vos affiches, j’ai essayé de comprendre les raisons qui vous poussaient à aller jusque-là sans vous juger. Je me suis dit : ils ont le droit de penser différemment.

Et puis, j’ai pensé à tous les sacrifices que la majorité de la population fait depuis 15 mois ; j’ai pris une grande respiration et je me suis même remise en question.

Pourquoi je me prive depuis huit mois d’aller voir mes parents et mes beaux-parents au Saguenay–Lac-Saint-Jean ? Pourquoi eux se privent de voir leurs petits-enfants alors qu’ils grandissent si vite ?

Pourquoi je me prive depuis environ un an de recevoir des amis à la maison, l’un de mes plus grands plaisirs ? Pourquoi j’accepte de respecter le couvre-feu qui débute à 20 h, quand il fait encore clair dehors ?

Pourquoi je porte le masque dans les commerces et lorsque je croise de trop près des gens à l’extérieur ? Pourquoi j’accepte que mes enfants soient privés de leur école et de leur vie sociale ?

MOI AUSSI, J’EN AI MARRE !

Et puis, j’ai pensé à tous ceux et celles qui ont perdu des proches à cause de la pandémie, aux gens qui ont eu la COVID-19 et qui sont restés avec des séquelles.

J’ai pensé aux travailleurs de la santé qui se dévouent sans relâche depuis 15 mois pour soigner les patients atteints du virus et qui rêvent d’avoir un petit répit. J’ai pensé à toutes les personnes qui attendent depuis des mois une opération qui est constamment repoussée à cause du délestage dans les hôpitaux.

 

J’ai pensé à tous ces gens qui se croyaient à l’abri, qui ont triché, ne serait-ce qu’une fois, et qui le regrettent amèrement aujourd’hui puisque des proches se sont retrouvés hospitalisés en raison de leur imprudence.

Chers manifestants, je ne veux pas vous critiquer, vous traiter d’inconséquents, d’égoïstes, ça ne ferait pas avancer le débat. Je suis convaincue que si vous avez pris le temps de vous déplacer pour participer à cette marche, c’était pour vous libérer d’une frustration très grande, celle de ne pas être entendus.

Vous avez raison, il est important de se parler et de s’écouter pour mieux se comprendre. Nous ne sommes pas tous d’accord sur les moyens choisis pour s’en sortir, mais qui peut prétendre détenir la vérité ?

En pleine tempête, il est normal de poser des questions au capitaine et de lui faire des propositions pour qu’il puisse prendre les meilleures décisions. Mais, une fois les décisions prises, il est important de suivre les directives et de ramer dans la même direction pour avoir une chance de s’en sortir.

Nous avons un point en commun : nous avons tous hâte de reprendre notre vie d’avant, d’être libres, d’aller n’importe où, à n’importe quelle heure, sans masque ni distanciation. Misons sur ce qui nous unit.

Cordialement,

Véronyque

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