La main-d’œuvre étrangère en retard

La main-d’œuvre étrangère en retard

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Par Jean-Christophe Noël
La main-d’œuvre étrangère en retard
Les Guatémaltèques sont une ressource inestimable pour les agriculteurs d’ici. (Photo : archives)

En raison des difficultés de voyagement, l’arrivée tardive des Guatémaltèques compromet la productivité de plusieurs commerces locaux.

« Si on n’arrive pas à avoir nos trois travailleurs manquants avant juin, ça impliquera du retard important dans la taille des vignes. Ça va mettre un peu plus de pression sur nos travailleurs qui sont déjà là. Ça peut vouloir dire qu’on devra travailler les jours de pluie ou allonger un peu les journées qui sont déjà longues au champ. Pour le moment, ce n’est pas critique, mais ça le deviendra en mai au moment du réveil des bourgeons », fait part Hugues Lavoie du Domaine De Lavoie qui a actuellement l’aide de quatre travailleurs étrangers terminant tout juste leur isolement obligatoire de quatorze jours.

« Nous venons d’apprendre qu’un vol devrait être nolisé en avril pour l’arrivée de Guatémaltèques. L’organisme FERME nous confirme qu’il y a 90 % de chances que ça fonctionne. Toutefois, au moment où le Guatemala a fermé ses frontières, il y a plus de deux semaines, certains n’avaient pas encore reçu leur visa, donc ne pourront venir en avril », dit de son côté Josée Cartier, propriétaire du Domaine Cartier-Potelle.

« Les pertes seront  majeures si la situation ne se rétablit pas au cours des prochains mois. » – Michel Robert

Quant à Michel Robert du vignoble Coteau Rougemont, il se croise les doigts pour les semaines à venir. « Nous n’avons pas de travailleur actuellement chez nous. Nos travailleurs étaient prévus pour le début du mois d’avril. Nous travaillons avec l’organisme FERME pour le recrutement de nos travailleurs étrangers. La situation évolue d’heure en heure et nous pensons être capables de recevoir nos premiers travailleurs en provenance du Guatémala d’ici environ 1 à 2 semaines », dit-il.

Risques et pertes

L’absence des travailleurs étrangers s’avère critique et les conséquences pourraient être lourdes.

« On aura des pertes si nous n’avons pas le temps de tailler les vignes et les pommiers correctement. La production ne sera pas optimale. L’impact pourrait aussi se faire sentir en 2021 avec une coupe mal faite ou pas faite cette année. Il y aura des bourgeons abîmés et le travail sera plus difficile l’an prochain », expose Hugues Lavoie qui voit les répercussions à plus long terme.

« C’est certain que nous subirons une baisse de revenus importante. Notre chiffre d’affaires provient de la vente de bouteilles, mais également de nos événements privés et corporatifs. Le printemps est notre période la plus achalandée pour nos événements alors cette source de revenus tombe à zéro pour les prochains mois », tisse Mme Cartier en guise de portrait pessimiste.

Il en va de même pour Michel Robert. « Les pertes seront majeures si la situation ne se rétablit pas au cours des prochains mois. Il est impensable de faire la récolte des pommes à l’automne si nous n’avons pas de travailleurs étrangers », fait-il valoir.

Solutions envisagées

« Il faut trouver des travailleurs québécois rapidement pour venir aider notre maître de chai avec l’embouteillage et l’étiquetage de produits. Si les trois Guatémaltèques qu’on attend ne peuvent pas arriver, il faudra embaucher de nouveaux travailleurs et leur apprendre la taille des vignes et des pommiers », suggère M. Lavoie.

« Nous avons reporté à l’an prochain l’achat de certains équipements et autres dépenses non essentielles. Nous allons nous prévaloir de toutes les mesures mises à notre disposition comme le congé de paiement des intérêts et du capital sur les emprunts garantis par la Financière agricole du Québec; la subvention de 75 % des salaires au fédéral; le boni à venir du côté du provincial afin d’inciter les gens à aider dans les entreprises agricoles, etc. » décortique Josée Cartier.

Inquiétudes

Bien que comprenant pleinement que les Canadiens aient besoin d’aide financière pour vivre et qu’il soit en faveur que le gouvernement aide, Hugues Lavoie est inquiet devant les mesures offertes. « Ces mesures n’aident pas les producteurs agricoles à trouver des travailleurs québécois. Un travailleur agricole gagne un peu plus de 2000 dollars par mois et c’est imposable. Qui voudra venir travailler sur une ferme en étant payé 2000 $ par mois ? » se demande-t-il.

Aussi, le changement des règles de quarantaine dans les champs, en obligeant un confinement à l’intérieur de la maison représentera une dépense importante et une perte de productivité pour les agriculteurs. Il faudra payer les travailleurs étrangers pendant deux semaines alors que le retard s’accumulera dans les champs. Pour Domaine De Lavoie, ce sont trois travailleurs, soit une dépense d’environ 4000 à 5000 $.

Josée Cartier conclut en disant que « s’il y a du positif à faire ressortir de cette crise, c’est qu’elle pousse les entrepreneurs à devenir créatifs et sortir de leur zone de confort. Est-ce l’arrivée de nouveaux modèles d’affaires pour plusieurs? À voir. »

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