Mario Dumont Vendredi, 25 septembre 2020 05:00 - Le discours du trône préparé par Justin Trudeau contient une ligne, passée inaperçue, qui est peut-être la plus importante.
https://www.journaldemontreal.com/2020/09/25/des-decennies
Parlant de la capacité des gouvernements de dépenser... et donc d’emprunter massivement, le discours mentionne « en conservant le faible coût des emprunts pour les décennies à venir ».
Les DÉCENNIES ! Lorsqu’on parle de faible coût des emprunts, on parle bien sûr des taux d’intérêts qui doivent être payés sur les dettes. Justin Trudeau nous dit donc qu’il se sent à l’aise de dépenser sans restriction, basé sur sa confiance dans le fait que les taux d’intérêt resteront bas pendant 30, 40 ou 50 ans.
Si facile
Au fond, c’est sur cette prémisse que repose toute la stratégie du gouvernement Trudeau. Il y a peu de mérite pour un gouvernement à imaginer de nouvelles dépenses. En disant oui à tout le monde, en plus d’imaginer de nouveaux programmes, un gouvernement ne manquera pas d’idées pour distribuer les milliards.
Le défi consiste à trouver l’argent. Lorsqu’on vit avec un budget équilibré, l’exercice devient difficile. Chaque fois qu’il souhaite mettre des sous sur une nouvelle priorité, le gouvernement doit couper ailleurs ou trouver une nouvelle source de revenus.
Lorsqu’on se retourne plutôt vers l’emprunt, la possibilité de dépenser devient pas mal plus élastique. Justin Trudeau vient étirer cet élastique à des niveaux jamais imaginés dans le passé, en ajoutant son ingrédient magique : des bas taux d’intérêt pendant des décennies.
Oui, mais...
Vous aurez bien compris que tout cela est un peu trop beau pour être vrai. Il y a trois problèmes de fond avec cette approche.
1. Justin Trudeau est-il Nostradamus ? Comment affirmer aujourd’hui avec certitude que les taux demeureront aussi bas pendant des décennies ? C’est vrai que les taux sont restés très bas depuis quelques années, c’est aussi vrai qu’aucune hausse n’est prévue à court terme. Mais quelles seront les conditions économiques en 2035, en 2040, en 2050 ? De la pure spéculation, de la pensée magique. Je rappellerai que lorsque Trudeau père dirigeait le Canada, il y a quelques décennies, les taux ont flambé à 20 %.
2. Les taux sont si bas présentement qu’ils ne peuvent que monter. Les taux actuels frisent le point zéro. Il est donc vrai que le coût d’emprunt pour l’année en cours est faible. Un mouvement à la hausse des taux coûterait vite très cher. Si vous avez emprunté à 1 % et que vous devez renouveler cette dette dans quelques années à 2 %, le taux est encore assez bas... mais votre paiement d’intérêt sur la dette vient de doubler.
3. Sur une période aussi longue que des décennies, il y aura d’autres crises : récession, catastrophe naturelle, nouvelle pandémie, etc. Quelle sera alors la capacité de réaction d’un gouvernement aussi endetté ? Justin Trudeau pourrait attacher les mains du Canada pour longtemps.
Le discours du trône nous dit que l’heure n’est pas à l’austérité, du fait de la crise. Entre l’austérité et le party, j’ose croire qu’il reste un juste milieu : la responsabilité.