Mathieu Bock-Côté Mercredi, 23 décembre 2020 05:00 - François Legault n’est pas un premier ministre comme les autres dans l’histoire du Québec.
Depuis qu’il nous a délivrés d’un régime libéral toxique et hostile à la majorité historique francophone, il a noué un lien intime avec les Québécois.
Ce lien s’est maintenu pendant la pandémie et lui assure un capital politique incroyable. Dans quel projet l’investira-t-il pour les deux prochaines années ?
La crédibilité nationaliste de François Legault repose notamment sur la loi 21, qui a marqué la rupture du Québec avec le multiculturalisme canadien et consacré son droit à son propre modèle d’intégration. Elle est aujourd’hui attaquée de la plus vile manière.
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Legault a aussi su tenir tête devant la campagne de harcèlement médiatique qui voulait l’obliger à se soumettre à la grotesque théorie du racisme systémique.
Certes, on peut faire de nombreux reproches à François Legault. Sa vision de la question linguistique, par exemple, est enfermée dans la fin des années 1990. Il semble croire à l’efficacité de ce qui reste de la loi 101, qui ne fonctionne pourtant plus. Sa décision de financer l’agrandissement de Dawson est absurde.
De même, François Legault fait une concession insensée à l’aile fédéraliste de son parti en s’entêtant dans une politique d’immigration massive. Ne fait-il vraiment aucun lien entre les seuils d’immigration des vingt dernières années et l’anglicisation de Montréal ?
Mais fondamentalement, François Legault comprend que c’est l’existence même du peuple québécois qui est en question aujourd’hui. Les francophones seront-ils encore clairement majoritaires au Québec dans les prochaines décennies ou y deviendront-ils seulement la plus grosse minorité ?
Il y a par ailleurs un grand tabou dans le Québec contemporain, soit le mépris dont les Québécois francophones sont victimes par une partie de ceux qui les rejoignent. Il est partout visible sur les réseaux sociaux, souvent chez les plus jeunes qui vont même jusqu’à instrumentaliser l’histoire des Amérindiens pour expliquer que les Québécois ne sont pas vraiment chez eux ici. Pourquoi devraient-ils alors s’y intégrer ?
N’en faisons pas une question de morale et voyons-y seulement le signe que les Québécois francophones ne sont pas assez forts pour se faire respecter chez eux.
Les Québécois comptent sur François Legault pour les défendre. Ils comptent aussi sur lui pour passer de la défense à l’affirmation, même s’ils ne savent pas quel visage lui donner.
Que veut-il faire des deux dernières années de son mandat pour donner une suite à sa politique nationaliste ?
Indépendantiste
Autrefois, François Legault était souverainiste. Il est devenu autonomiste parce qu’il croyait l’indépendance inatteignable. Quand on lui demande où il en est maintenant, il répond que les Québécois ne désirent toujours pas la souveraineté.
C’est vrai. Mais lui, au fond de lui-même, qu’en pense-t-il vraiment ?
Sait-il que s’il se décidait à renouer avec le grand rêve de René Lévesque,
il convaincrait les Québécois de le suivre ? Je ne m’attends à rien d’ici 2022. Mais s’il remporte les prochaines élections, comment voudra-t‐il passer à l’histoire ? Je suis convaincu que cette question l’habite.