Le mou nous étouffe! - Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté Mardi, 29 décembre 2020 05:00 - Nous nous ruerons comme jamais vers la société en y mettant une belle veste,

une cravate, peut-être même un chapeau, simplement pour le plaisir de marquer la rupture avec nos temps covidiens.

https://www.journaldemontreal.com/2020/12/29/le-mou-nous-etouffe

Je n’ai pas grande expertise pour parler vêtement, sinon celle de l’honnête citoyen qui normalement, s’habille en mou chez lui et cherche à se vêtir à peu près correctement lorsqu’il sort de sa demeure, et plus encore lorsqu’il doit travailler. 

Je devine que nous sommes très nombreux ainsi, à balancer entre le dépenaillé et la tenue socialement recommandée. 

Pyjama

Une chose m’a toutefois frappé depuis près d’un an : c’est qu’à vivre chez soi, enfermé dans son bureau, qu’il soit improvisé ou non, sans aller au travail, sans prendre un verre avec ses amis, sans aller souper au restaurant avec eux ou sa famille, sans participer au moindre événement social, on en vient à croire que la vie doit vraiment se passer en pyjama. Comme si, privés du regard des autres, condamnés à vivre par Zoom, on se relâchait. 

Le premier réflexe a certainement été de trouver cela confortable. Aux premiers temps du confinement, ils étaient nombreux à se réjouir de ce relâchement des normes sociales. Enfin la paix, la sainte paix. 

Puis vint rapidement un sentiment d’aliénation. Quoi qu’en disent les charlatans, il n’y a pas de bonheur durable dans le confinement. 

On aura beau nous avoir vanté les fêtes tranquilles et sans essoufflement, on constate que pour la grande majorité des mortels, elles représentent un moment où l’on sort ses plus beaux atours, comme on disait au temps de nos grands-parents.

On ne s’habille pas pour soi, mais pour les autres. C’est une marque de respect envers le monde. Les événements commandent la tenue. Mais justement, il n’y a plus d’événements, et il n’y a plus de tenue, dans tous les sens du terme. Et s’impose la tyrannie du mou ! 

Et qu’on me pardonne cet horrible jeu de mots, mais trop de mou, ça fait dur. Quand on est laissé à soi-même, mais rien qu’à soi, on devient finalement moins que soi. Le relâchement vestimentaire devient le symbole de l’affaissement mental.

On devient mentalement flasque, informe, et puisque notre époque est ce qu’elle est, hypnotisé par son écran à guetter la polémique du jour dans laquelle se perdre, dans l’espoir de vivre un peu, même virtuellement. 

On en vient à rêver aux longs dîners, aux grands soupers, aux concerts, aux lancements de livres, aux activités sociales à travers lesquelles on était poussés à se présenter sous notre meilleur jour. 

Élégance

J’en viens à croire que dans quelques mois, une fois que la vie aura repris ses droits, une fois que nous aurons largué le français covidien pour revenir au français véritable, que nous aurons la certitude de ne plus jamais avoir à dire distanciel et présentiel, nous nous ruerons comme jamais vers la société en y mettant une belle veste, une cravate, peut-être même un chapeau, simplement pour le plaisir de marquer la rupture avec nos temps covidiens. 

Ce ne sera pas demain, mais quelque part en 2021. Nous en ferons une fête, même un banquet. Le banquet des joyeux élégants. Nous en ferons un printemps. 

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