Mathieu Bock-Côté Mardi, 6 octobre 2020 05:00 - Dimanche, dans le cadre des commémorations des 50 ans de la crise d’Octobre,
https://www.journaldemontreal.com/2020/10/06/la-felquiste-repentie
TVA diffusait un passionnant entretien avec Louise Lanctôt, mené de main de maître par Denise Bombardier – qu’on aimerait bien retrouver plus souvent dans le rôle d’intervieweuse, d’ailleurs.
Lanctôt était membre de la cellule du FLQ qui a kidnappé James Richard Cross. Cette expérience l’a meurtrie. Elle ne garde pas un souvenir heureux de ses années terroristes, quand elle se prenait pour une révolutionnaire.
Une chose frappe lorsqu’on l’entend : les felquistes, globalement, étaient des amateurs.
L’embrigadement révolutionnaire témoignait d’une révolte sincère et bien compréhensible, mais relevait d’un héroïsme dérisoire perverti par le fanatisme.
FLQ
Les felquistes s’imaginaient déclencher une guerre révolutionnaire. Mais Ottawa, qui les surveillait de près et de loin, les a instrumentalisés cyniquement pour occuper militairement le Québec et chercher à casser les reins du mouvement souverainiste.
Nos révolutionnaires jouaient le jeu, sans s’en rendre compte, du régime fédéral.
Louise Lanctôt en a contre ceux qui enjolivent aujourd’hui la mémoire felquiste. Il n’est pas certain, pourtant, que nous soyons témoins d’une telle célébration.
Si les Québécois n’en reviennent toujours pas d’Octobre, c’est parce que cette crise dit quelque chose d’eux-mêmes. Au-delà du romantisme de la violence révolutionnaire, il y avait ici un peuple exploité, dominé, humilié.
Les peuples dominés finissent un jour par se révolter. Les Québécois ne sont pas extérieurs à l’humanité, et la jeunesse radicalisée a vu dans la violence la seule forme d’action authentique pour la libération québécoise.
Mais les hommes ne sont pas toujours raisonnables. Car il y avait de bonnes raisons de croire aux progrès démocratiques. La théorie du blocage que nous servent les ex felquistes et ceux qui les défendent ne tient pas.
En 1962, le Québec amorçait la nationalisation de l’hydro-électricité autour du slogan « Maîtres chez nous ».
En 1966, Daniel Johnson faisait un pas de plus avec « Égalité ou indépendance ».
En 1968, la création du Parti québécois par René Lévesque accélérait la marche vers le pays.
Le Québec des années 1960 n’était pas bloqué. Il progressait à grande vitesse.
On ne sous-estimera pas le traumatisme d’Octobre.
Les Québécois ne sont pas un peuple violent (sauf contre eux-mêmes, ce sont des spécialistes du refoulement et de l’automutilation identitaires), et la répression d’Octobre a laissé une trace dans l’inconscient collectif.
Indépendance
Elle a imprimé au fond d’eux-mêmes un sentiment trouble : si nous bougeons trop, on nous le fera payer. Elle nous a radicalisés dans nos hésitations.
Il semble y avoir une constante dans notre histoire. Nous sommes doués pour les révolutions avortées, qu’elles soient violentes ou démocratiques. L’insurrection des Patriotes, celle d’Octobre, et le référendum de 1980 en témoignent.
Derrière notre proverbiale bonhomie paysanne, il y a quelque chose comme une impuissance médiocre dans la condition québécoise.
Je ne désespère pourtant pas de nous voir un jour réaliser l’indépendance nationale démocratiquement. Cette victoire contre un régime qui nous diminue et contre nos propres hésitations viendra racheter nos défaites et nous donner enfin pleinement notre place dans ce monde.