Richard Martineau Samedi, 23 mai 2020 05:00 : J’ai bien aimé un tweet de l’auteur-compositeur Stéphane Venne, cette semaine.
https://www.journaldemontreal.com/2020/05/23/des-chochottes
« C’est vraiment bizarre qu’on évalue les contraintes anti-COVID non en fonction de leur efficacité mais de leur confort.
« Faut pas que ça dérange trop. Ni que ça change nos habitudes.
« Imaginez cette attitude à Londres en 1941 sous les bombes allemandes. »
LE CONFORT ET L’INDOLENCE
Venne (qui a perdu Renée Claude, sa plus grande interprète, il y a quelques jours) a parfaitement raison.
On veut lutter contre le virus... mais sans rien changer !
Comme les soldats qui font la guerre en contrôlant des drones à partir de bureaux climatisés situés à des milliers de kilomètres du front.
« Jane ? Je vais exécuter un leader d’Al-Qaïda dans une demi-heure, puis j’arrive à la maison pour souper. Garde mon assiette au chaud. »
Je suis en train de lire Le Monde d’hier de l’écrivain autrichien Stefan Zweig, un bouquin qui a été publié en 1941.
Zweig parle de tous les malheurs qu’ont vécus les gens de sa génération.
« Jamais une génération n’est tombée comme la nôtre d’une telle puissance intellectuelle dans une telle décadence morale. Nous avons labouré d’un bout à l’autre le champ de toutes les catastrophes imaginables. Tous les chevaux de l’Apocalypse se sont rués à travers mon existence : la révolution et la famine, les épidémies et l’émigration, le fascisme, le national-socialisme, le bolchevisme, deux guerres mondiales, la crise, la barbarie... »
Ces gens-là étaient faits durs.
Nous ? Des chochottes. Des mauviettes. Des lapins.
Attendre 20 minutes pour entrer à la SAQ est considéré comme une épreuve. On se prend pour des héros juste parce qu’on a porté un masque au Costco.
Si un pays nous déclarait la guerre, demain, on se rendrait après un quart d’heure.
Envahissez notre pays, hissez votre drapeau au-dessus de notre parlement, mais de grâce, gardez les centres commerciaux ouverts.
« LA GUERRE, LA GUERRE... »
On critique les membres de nos gouvernements, mais mettons-nous à leur place.
Ils doivent imposer des mesures contraignantes à des gens qui ne veulent rien changer à leurs habitudes !
Et mes week-ends au terrain de camping ? Mon chalet ? Mes vacances en Europe ? Mon voyage de pêche ? Les camps de mes enfants ? Mes restaurants ? Mes BBQ ? Le coiffeur ? Mon massothérapeute ? Mon gym ? Mon esthéticienne ?
Comme disait un personnage de La Guerre des tuques : « La guerre, la guerre, c’est pas une raison pour se faire mal... »
Vous pensez qu’en 1940, les gouvernements payaient les jeunes pour qu’ils restent chez eux ?
« Ah, le bar où tu travaillais s’est fait bombarder ? Pas de problème, on va compenser ton salaire perdu... »
Prenons juste le retour à l’école. Éduquer des milliers d’enfants en respectant les consignes de sécurité sanitaires est un casse-tête.
Mais on veut que tout se déroule sans anicroche. Comme sur des roulettes. Dès la première semaine.
Allez, hop !
HAUTE VITESSE
On est tellement habitué à avoir tout ce qu’on veut instantanément, d’une simple pression de l’index, qu’on a perdu tout sens des réalités.
Comme l’écrivait Stéphane Venne : on a déjà vécu dans « un univers clair, juste et merveilleux, béni de Dieu... »
Et on n’accepte pas qu’il ait changé.