Richard Martineau Samedi, 9 mai 2020 05:00 - Au fil des ans, j’ai eu le privilège de discuter avec plusieurs militaires et anciens combattants.
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Ils m’ont tous dit la même chose : oui, la guerre, c’est éprouvant, difficile, exigeant, parfois même dégueulasse, mais au moins, là-bas, on sait à quoi on sert.
Notre vie a du sens.
Chaque geste que tu poses est important, chaque décision que tu prends est une question de vie ou de mort.
Les enjeux sont clairs, limpides.
C’est quand tu reviens que c’est dur.
Des enjeux clairs
Comme m’a raconté un militaire qui revenait tout juste d’Afghanistan : « Je me suis retrouvé dans une Cage aux sports, et je ne comprenais pas pourquoi les gens étaient tout heureux que le Canadien compte un but. Je me disais : c’est ça qui les excite ? »
Soudainement, ta vie n’a plus de sens.
C’est comme le soldat dans le film Le démineur (The Hurt Locker) qui, après avoir combattu au Moyen-Orient, se retrouve dans le rayon des céréales d’un supermarché américain.
Il regarde les boîtes de Cheerios, de Rice Krispies, de Fruit Loops, de Special K, de Honey Nut et de Raisin Bran, et se dit : « Ça va être ça, ma vie, maintenant – choisir quelles céréales on va manger au petit déjeuner ? »
Je pense souvent à ces militaires, ces temps-ci.
Ce que nous vivons n’a bien sûr rien à voir avec ce qu’ils ont vu en Bosnie ou en Afghanistan. Il ne faut pas pousser la métaphore guerrière trop loin, même si c’est parfois tentant.
Mais on assiste à la même « clarification » des enjeux.
Du solide
Après avoir passé des années à s’obstiner pour des niaiseries (qui s’ennuie des débats interminables sur l’appropriation culturelle, l’installation de toilettes pour transgenres dans les écoles ou la parité chez les animaux empaillés exposés dans les musées d’histoire naturelle ?), on parle enfin des vraies affaires.
Le traitement des personnes âgées. Les inégalités sociales. Le salaire des préposés aux bénéficiaires.
La lourdeur de la bureaucratie dans notre système de santé. Les effets néfastes du corporatisme et du syndicalisme de combat.
La violence conjugale. Les problèmes de santé mentale.
Enfin, du solide. Du concret.
Bon, il y a encore des nostalgiques du bon vieux temps où les apôtres de la politique identitaire prenaient plaisir à découper la société québécoise en petites tranches (« Les femmes font-elles de meilleures leaders en temps de pandémie ? », se demandait récemment L’actualité), mais ces voix se font de moins en moins entendre.
Oui, cette crise est épouvantable.
Mais elle nous force à revoir nos priorités et à « remettre les choses en place », comme dirait ma mère.
La fin du déclin ?
« La civilisation occidentale est en déclin », répétaient avant la crise certains philosophes (Finkielkraut, Onfray, etc.).
Eh bien, cette pandémie sera peut-être l’occasion pour l’Occident de cesser de perdre son temps à discuter du sexe des anges, et de reprendre contact avec le plancher des vaches.
De lâcher un peu le sacro-saint discours des « droits » pour parler, enfin, de nos devoirs et de nos responsabilités.