Josée Legault - Avec le retour du couvre-feu édicté par le premier ministre, 2022 s’annonce déjà pour les Québécois comme l’année de la marmotte.
Or, sur le plan strictement politique, cette annonce ne surprend guère.
Sans le réduire à une simple diversion, il n’en reste pas moins que le couvre-feu, parce qu’il est « extrême », selon François Legault lui-même, vole d’office la vedette aux autres mesures annoncées. Ce faisant, il gomme l’essentiel.
Depuis l’automne, le gouvernement accuse en effet un sérieux retard sur plusieurs fronts – troisième dose de vaccin, dépistages, tests rapides, ventilation, achat et distribution de masques de type N95, etc.
Malgré les appels à accélérer la troisième dose lancés par plusieurs experts bien avant l’apparition d’Omicron, même le recrutement de nouveaux vaccinateurs se fait tardivement.
Résultat : s’il est vrai que le variant Omicron frappe partout, durement et vite, le Québec est néanmoins redevenu rapidement plus vulnérable à la pandémie.
Force est ainsi de constater qu’au-delà de l’inévitable fatigue des chefs de gouvernements face à une pandémie entêtée, quelque chose de particulier cloche au sein de la cellule de crise entourant le premier ministre Legault.
Les épaules usées des citoyens
Forte du succès de la campagne de vaccination jusqu’avant la troisième dose, cet automne, elle a donné l’impression d’avoir baissé la garde suffisamment pour avoir pris du retard dans le combat.
Le système de santé québécois, déjà détraqué, craque aussi bien plus encore qu’ailleurs.
Pour toutes ces raisons, la cellule de crise se voit obligée de transférer une nouvelle part de responsabilité de la lutte sur les épaules usées des citoyens. Réduire les contacts est vital, c’est certain.
Mais d’avoir accès plus rapidement à la troisième dose, à des tests rapides et des masques plus aptes à mieux protéger d’Omicron, le serait également.
C’est justement là que le retour spectaculaire du couvre-feu prend des airs plus politiques que scientifiques.
Cette observation ne vise pas à jouer au gérant d’estrade, mais à souligner l’urgence évidente dans un aussi long combat d’injecter du sang neuf dans la cellule de crise.
Sang neuf
En juin 2020, le premier ministre n’avait d’ailleurs pas hésité à marquer un « grand coup ». Il avait nommé un nouveau ministre de la Santé, Christian Dubé, et lui avait adjoint une sous-ministre de choc, Dominique Savoie.
Pour la cellule de crise, essoufflée par une première vague dévastatrice au Québec, cette transfusion s’était avérée dynamisante. Dix-huit mois plus tard, un autre « grand coup » ne serait pas de trop.
Comme je l’avance depuis l’an dernier, nul doute cependant que son ultime maillon faible est le directeur national de santé publique. Depuis le début de la crise, Horacio Arruda a raté le coche sur des éléments majeurs : port du masque, transmission de la COVID-19 par aérosols, ventilation, dépistages, masques N95, etc.
Malgré qu’on lui ait donné un conseiller en communication, ses explications sont encore souvent confuses. Sans compter sa tendance à bouder les connaissances scientifiques venant du Canada et de l’international.
Le fait que le Dr Arruda soit sous-ministre adjoint à la Santé, et non pas indépendant du pouvoir exécutif, le soumet aussi nécessairement à des impératifs plus politiques.
Durant la première vague, les médias en ont néanmoins fait une star. Malgré ses errements, le premier ministre n’avait donc pas cru bon de le remplacer.
Questionné hier, c’est du bout des lèvres qu’il lui a réitéré sa confiance. Devant la pandémie qui s’étire, personne ne lui reprocherait pourtant de changer d’idée.