Josée Legault - Les révélations entendues à l’enquête de la coroner Géhane Kamel sur l’hécatombe dans les CHSLD durant la première vague de la pandémie sont extrêmement troublantes. La boîte de Pandore s’ouvre brutalement.
Les révélations entendues à l’enquête de la coroner Géhane Kamel sur l’hécatombe dans les CHSLD durant la première vague de la pandémie sont extrêmement troublantes. La boîte de Pandore s’ouvre brutalement.
Car, d’après ce qu’on comprend des témoins du ministère de la Santé (MSSS), pendant qu’ils voyaient à préparer les hôpitaux à la COVID-19, des milliers d’aînés vulnérables en CHSLD furent laissés à leur sort.
Au printemps 2020, plus de 5000 Québécois et Québécoises y sont morts dans des conditions atroces. Une honte nationale.
Or, selon l’ex-ministre de la Santé, Danielle McCann, son ex-sous-ministre Yvan Gendron et Horacio Arruda, patron de la Santé publique, dès janvier 2020, l’arrivée imminente d’une pandémie leur était déjà connue.
Ils disent aussi avoir été conscients de la grande vulnérabilité des CHSLD face à un virus respiratoire féroce. Selon M. Gendron, dès janvier, les PDG des CIUSSS et CISSS auraient donc été avertis de préparer ces « milieux de vie » en conséquence.
Le mystère est que ce ne fut pas fait. Rien pour contrer la pénurie de personnel. Rien pour fournir aux employés les équipements de protection personnelle dont ils auraient besoin.
Résultat : des employés sont devenus le vecteur principal de propagation de la COVID-19. Une fois les CIUSSS « avertis », faudrait-il alors conclure que le MSSS ne serait pas allé sur le terrain pour vérifier l’état de la situation dans les CHSLD ? Dans ce mystère, les Ponce Pilate semblent avoir été nombreux.
Le mystère s’épaissit
Ou est-ce plutôt que, selon des documents déposés hier par l’avocat des familles, les CIUSSS n’auraient été avertis de se préparer qu’à la fin février et au début mars ? Le mystère s’épaissit.
Sans compter l’impact dévastateur du fait d’y avoir interdit les proches aidants, en même temps qu’on laissait le personnel libre de se promener entre les établissements, propageant ainsi d’autant plus la COVID-19.
Des gériatres ont été envoyés en télétravail en pleine crise. On apprend même que des rapports d’inspection dans les CHSLD faits durant la première vague ont été détruits !
L’interdiction des proches aidants et des médias dans les CHSLD a aussi empêché ceux-ci de voir et de témoigner des horreurs qui s’y vivaient.
N’eût été le reportage coup-de-poing du journaliste Aaron Derfel sur les conditions inhumaines au CHSLD privé Herron, aurait-on même jamais su ce qui se passait vraiment sur le terrain ? Omerta, vous dites ?
Omerta
Bref, ce fut la chronique parfaite d’une catastrophe humaine annoncée. En Ontario, les centres de soins de longue durée étaient eux aussi en piètre état, mais proportionnellement, ils y ont eu moins de morts qu’ici.
C’est donc qu’au Québec il y a eu des lacunes spécifiques à la gestion de la première vague. D’où les appels pour une enquête vraiment publique et élargie.
Si des milliers de nos enfants étaient morts seuls dans l’indignité, elle aurait déjà eu lieu. Des responsables seraient congédiés et certains seraient peut-être déjà en procès.
Le fait est que dans les CHSLD, RPA et autres ressources d’hébergement pour aînés ou pour adultes en situation de handicap intellectuel ou physique, avant l’urgence sanitaire du 13 mars 2020, la préparation était nulle.
D’où, dès après, la panique, les désertions d’employés, la chasse aux équipements de protection, les multiples décès, etc.
Il est vrai que le gouvernement actuel avait hérité de décennies de grave négligence des CHSLD, mais à la lumière des audiences de l’enquête Kamel, cela n’expliquerait pas tout.
Du fond de la boîte de Pandore, tous ces morts nous interpellent encore, décideurs et société civile. Trop de questions attendent réponse. En leurs noms, il nous faudra aller au fond des choses.