Josée Legault - Thomas Trudel, 16 ans, assassiné lâchement en pleine rue du quartier Saint-Michel.
Montréal est-elle une ville sécuritaire ? Oui. Sauf dans les quartiers où la violence, par armes à feu ou armes blanches, sévit sous le regard souvent béat des autorités politiques et policières.
Pour les familles, amis, enseignants et voisins des trois dernières jeunes victimes innocentes de meurtre – Meriem Boundaoui, 15 ans, Jannai Dopwell-Bailey, 16 ans, Thomas Trudel, 16 ans –, la sécurité n’est qu’une fiction.
Assassiné ce dimanche en pleine rue du quartier Saint-Michel, Thomas Trudel était lui aussi un jeune aimé des siens et de son école secondaire. Dans son cas, l’école Joseph-François-Perrault (JFP).
Une autre vie volée dans un de ces quartiers dont les habitants vivent dans la peur d’être la prochaine victime d’une violence gratuite et arbitraire.
Saint-Michel, j’y ai grandi. JFP, c’était mon école. Un quartier ouvrier et agréable. L’incarnation même de la diversité culturelle montréalaise.
Grâce à la loi 101, ses nombreux enfants allophones, autrefois presque tous à l’école anglaise, fréquentent l’école française. Y compris à JFP, dont les étudiants, venus d’ici et de partout, font penser aux Nations unies.
Joug de la violence
Avec le temps, certains coins de Saint-Michel, jadis réputés calmes, ont changé. La violence y est entrée sous le joug des gangs de rue.
Sans compter l’impact toxique d’une mobilité sociale moins accessible – le revenu moyen après impôts des Michelois.es frôle à peine les 25 000 $ – et de la glorification du crime comme moyen d’y accéder.
Bref, c’est l’histoire horriblement classique de ces quartiers délaissés par les élites. La violence, même lorsqu’elle est en baisse, y est toujours l’œuvre d’une infime minorité. Cela suffit à gâcher la vie des résidents honnêtes.
Saint-Michel demeure pourtant un beau quartier, un bon quartier, à échelle véritablement humaine. Derrière son image malmenée, il y a la vraie vie, plus discrète.
Celle de tous ces parents, dont de nombreuses mères monoparentales, toutes origines confondues, occupés à trimer fort à petits salaires pour tenter d’offrir un avenir meilleur à leurs enfants.
Celle des organismes communautaires et de leurs intervenants dévoués sur le terrain. Celle des écoles, dont Joseph-François-Perrault, où étudiait Thomas Trudel.
Un beau et bon quartier
JFP est une école publique renommée jusqu’à l’étranger pour l’excellence de ses programmes d’éducation internationale et d’arts-études concentration musique classique.
JFP a même son propre orchestre symphonique. Tellement reconnu qu’il a joué au prestigieux Carnegie Hall, à New York. Eh oui ! Tout ça au cœur de Saint-Michel.
C’est ce beau Saint-Michel là et ses gens qui, face à la violence gratuite dans ses rues, crient à l’aide.
Devant la montée de la violence dans la métropole, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, annonçait cet été la création d’une « équipe » conjointe SQ-SPVM contre le trafic d’armes à feu.
Valérie Plante et Denis Coderre se sont aussi colletés sur le sujet de la sécurité. Comme le disait Greta Thunberg sur la Cop26, on a surtout eu droit à beaucoup de « blablabla ».
Comme d’autres quartiers éprouvés par la violence, Saint-Michel en a soupé du « blablabla ». La classe politique, tous paliers confondus, doit sortir de sa bulle. Oui, plus de policiers. C’est sûr.
Or, sans un développement social et économique plus soutenu, la répression ne suffira jamais à redonner l’espoir et la paix d’esprit à tous ces Montréalais inquiets pour leur sécurité. Ils méritent tellement mieux.