Josée Legault - Éclipsée par le brouhaha de la guerre de mots dans laquelle s’enferrent les syndicats, les fédérations de médecins et le ministre de la Santé, la Semaine nationale des personnes proches aidantes nous aura échappé.
Au Québec, nous sommes pourtant plus d’un million et demi à prendre soin d’un être cher. Auprès de ma « petite » sœur Manon, née avec une déficience intellectuelle, j’en fais partie depuis des décennies déjà.
Dans notre société vieillissante, notre « armée » de proches aidants n’a pas fini non plus de multiplier ses soldats bienveillants, mais souvent invisibles, même parfois aux yeux des proches.
Chaque personne aidante fait des miracles en multitâches : infirmière, psychologue, accompagnatrice, cuisinière, artiste, athlète et j’en passe. D’où l’épuisement, l’isolement et l’appauvrissement qui, tel un trio brutal de vautours, les guettent au détour.
Sans les aidants, notre réseau de santé détraqué fermerait boutique. Les aidants, dont une forte majorité de femmes, « font économiser » en effet des milliards à l’État.
Elles le font au prix de leur carrière et de leur propre santé, physique et mentale. C’est un vrai problème de justice sociale. Or, depuis l’automne 2018, le Québec compte enfin sa première ministre responsable des Proches Aidants.
Guerroie fort
Retirée temporairement de ses fonctions pour raisons de santé, Marguerite Blais est souvent critiquée. Elle-même proche aidante de son mari jusqu’à son décès, elle guerroie pourtant fort pour cette cause.
Le combat est complexe. Elle le mène étape par étape, jusqu’au bout. Quiconque la connaît le sait.
L’automne dernier, malgré la pandémie, la ministre Blais présentait la première loi reconnaissant les proches aidants. Au printemps suivait sa politique nationale de soutien aux proches aidants.
Cet automne, elle les complétait d’un plan d’action gouvernemental étayé sur 88 pages bien tassées. C’est le fruit d’un travail en profondeur d’écoute des aidants et de recherche des meilleures pratiques.
Surtout, ce plan ouvre la voie à une véritable reconnaissance des personnes proches aidantes. Comment ?
Entre autres, en outillant le réseau pour « évaluer » leurs besoins et leur « fournir un plan d’accompagnement », dont un soutien psychosocial individuel, de l’aide juridique, etc. Du jamais fait ici.
Inconnues
Il propose aussi de bonifier l’offre de répits, incluant pour les personnes vivant avec une déficience physique ou intellectuelle. Deux grandes inconnues demeurent néanmoins.
Avec l’état avancé de dysfonctionnement du système de santé, comment, de manière concrète, l’accompagnement et le soutien aux aidants, dont financier, se feront-ils dans leur vraie vie quotidienne ?
Les 200 millions $ d’« argent neuf » annoncés pour les cinq prochaines années seront-ils suffisants à la tâche ? Probablement pas.
L’expression est galvaudée, mais les personnes proches aidantes sont en effet des anges gardiens. Pendant que d’autres détournent le regard, elles aiment, protègent et prennent soin de l’être qui, jeune ou vieux, leur est cher.
Avec le temps, leurs ailes d’ange finissent toutefois par s’user. Et lorsqu’une aidante tombe, la personne aidée tombe avec elle. Comme société, il est grand temps qu’on s’en occupe.
La plupart d’entre nous sont soit proche aidant, soit une personne aidée... ou le sera un jour. Il est rare qu’une politique propose de changer pour le mieux la vie d’autant de gens. C’est pourquoi le legs politique de Marguerite Blais est à saluer.