Les sacrifiés - Josée Legault

Josée Legault Mardi, 24 novembre 2020 05:00 - Pour «préserver» les hôpitaux, dans les ambulances, une directive insensée avait comme effet d’obliger à sélectionner qui vivrait ou non.

https://www.journaldemontreal.com/2020/04/15/les-sacrifies

En lisant mon Devoir hier, je n’en croyais pas mes yeux. On rapportait que le 4 avril, le ministère de la Santé imposait aux paramédicaux de Montréal et Laval de ne plus réanimer les personnes en arrêt cardiorespiratoire si elles ne présentaient pas un pouls décelable. Ce qu’on appelle être en « asystolie »  

En entrevue à RDI, selon Pierre-Patrick Dupont, directeur des soins à Urgences-Santé, cette décision « avait été prise avec l’ensemble des directeurs médicaux régionaux et le Collège des médecins » – « on suivait aussi les recommandations de la Santé publique ».  

Pourquoi ? Selon M. Dupont : « on devait protéger nos paramédicaux, la population et notre réseau de santé ». Dès le début de la crise sanitaire, les ambulanciers avaient pourtant accès aux meilleurs équipements de protection, dont les masques N95. 

Éviter de surcharger les soins intensifs semble plutôt en avoir été la raison dominante. Combien de vies ont été ainsi sacrifiées ? Nul ne le sait. Un autre élément ahurissant de l’histoire. 

Selon un ambulancier cité par Le Devoir : « Le plus difficile, ça a été la détresse et la colère des familles et des proches, surtout quand la personne avait 30 ou 40 ans ». Donc, des vies perdues pour rien, il y en aurait eu.

Du 4 avril au 21 septembre

En avril, le gouvernement et la Santé publique craignaient vivre ici le « cauchemar » de l’Italie. Submergés par la COVID-19, dans ses hôpitaux, on devait choisir qui vivrait et qui mourrait. Au Québec, ça ne s’est jamais produit. Heureusement.  

Et pourtant, suite à des « pressions répétées » du Syndicat des paramédicaux d’Urgences-santé, le ministère de la Santé n’abandonnera sa directive que le 21 septembre.

Cette directive, c’est de l’hospitalocentrisme pur et dur. Pour préserver les hôpitaux, dans les ambulances, elle obligeait à sélectionner qui vivrait ou non. Ça rappelle quelque chose ? 

Dès le début de la crise sanitaire, on avait aussi « vidé » de nombreux lits d’hôpital par l’envoi de personnes aînées vulnérables en CHSLD – des milieux pourtant « naturels » d’éclosions en tous genres.

Le 13 avril, en entrevue au Journal, Daniel Rouleau, dont la mère était morte de la COVID-19 après son transfert forcé de l’hôpital en CHSLD, n’a pas mâché ses mots : « Elle a été sacrifiée. On n’envoie pas les gens à l’abattoir ». 

Pendant ce temps-là, à New York 

Le 17 avril, les autorités de New York imposaient une directive semblable interdisant de réanimer les patients cardiaques en asystolie. On l’a rendue publique. De partout, la levée de boucliers fut immédiate. 

Le président du syndicat des paramédicaux de New York l’a dénoncée illico : « On ne peut plus donner une deuxième chance à ces patients de vivre. Notre boulot est de sauver des vies. Cette directive nous en empêche ». 

Malgré la vague féroce de la COVID-19 frappant leurs hôpitaux, cinq jours seulement après l’adoption de cette directive, elle était annulée par le Commissaire à la Santé de l’État de New York.

À New York, elle aura duré cinq jours. Ici, plus de cinq mois. La raison ? 

À New York, le débat s’est fait sur la place publique. Ici, silence radio. L’« omerta » dans notre système de santé, c’est ça aussi. 

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